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Jeudi Polar

Michel Bussi s’empare du passé noir des Antilles

Dans «les Assassins de l’aube», le très prolifique auteur de Rouen nous embarque en Guadeloupe où des meurtres rituels font remonter les heures les plus sombres de l’île.
Les ruines d'une ancienne prison pour esclaves, en Guadeloupe. (Aurélien Brusini/Hemis. AFP)
publié le 10 octobre 2024 à 6h00

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«Jacob a repéré le pêcheur ! Il serpente quelques mètres devant lui, fusil harpon à la main, lui adresse un petit signe du bras puis s’éloigne […] Qu’est-ce que ce pêcheur espère bien harponner dans le lagon ? Une brochette de poissons clowns ? Croit-il tomber nez à nez avec un marlin ou un mérou par si peu de fond ? Jacob sent soudain une présence dans son dos. Il se retourne aussi vite qu’il peut mais, étrangement, il a déjà compris. Le mérou, c’est lui.» Le cadavre de l’homme d’affaires sera retrouvé quelques heures plus tard sur les «marches des esclaves» à Petit-Canal ; cinquante-quatre marches en pierre de taille qui menaient à l’esplanade où étaient vendus les captifs dès leur arrivée en Guadeloupe. Sur chacune d’entre elles, des plaques rappelant les noms des ethnies africaines arrachées à leur continent : Congos, Yorubas, Ibos, Ouolofs, Peuls, Bamilékés… Détail insolite, dans l’élastique du maillot de bain du mort, un petit carton ensanglanté a été glissé avec, justement, le nom d’un de ces malheureux décédé en 1663 dans la prison de Petit-Canal.

Crimes rituels

Ainsi débute pour le commandant Valeric Kancel, un Guadeloupéen récemment rentré au pays après une carrière en métropole, une vertigineuse enquête. Car la mort du businessman a été «annoncée» en direct par un vieillard de l’île, un «quimboiseur», sorcier antillais jeteur de sort, surnommé l’Œil noir à cause de ses visons et prédictions macabres. Sorcellerie ou manipulation et complicité avec le meurtrier harponneur ? La police patine alors que ce premier crime est rapidement suivi de deux autres, également commis à l’aurore, et accompagnés des mêmes mises en scènes macabres liées au passé esclavagiste des Antilles. Les trois victimes ne se connaissaient pas et n’avaient rien à voir entre elles… Le lien et les motivations du tueur seraient-ils à chercher ailleurs ?

Michel Bussi est géographe de formation, longtemps enseignant à l’université de Rouen, et il n’a rien oublié de son premier métier. Dans Mon cœur a déménagé, que nous avons chroniqué en début d’année, on suivait la vengeance d’une jeune fille, de ses 7 ans jusqu’à ses 24 ans, dans la ville normande décrite avec précision. Cette fois, changement de décor mais même talent pour faire vivre les lieux chantants et colorés de Basse-Terre, des Saintes, Petit-Bourg ou Baie-Mahault. C’est donc en Guadeloupe que nous emmène les Assassins de l’aube, à travers les péripéties de ses trois personnages principaux : le pragmatique commandant Kancel, son adjointe Marjolaine, célibataire cherchant l’amour, et Amiel Ouassou, policier homosexuel confronté aux désespérants préjugés homophobes. Trois personnalités, solides et solidaires, qui auront fort à faire pour tenir la barre au cœur de l’ouragan que déclenchent les crimes rituels.

Avec en prime – une des marques de fabrique de Michel Bussi – dans les ultimes chapitres, une série de rebondissements qui tiendront éveillés jusqu’au bout de la nuit les lecteurs de ces mystérieux Assassins de l’aube.

Les Assassins de l’aube, de Michel Bussi, Presses de la Cité, 408 pp., 22,90 euros.