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Récompense

Miguel Bonnefoy remporte le prix Femina 2024 pour «le Rêve du jaguar»

L’auteur franco-vénézuélien de 37 ans a obtenu ce mardi 5 novembre la prestigieuse récompense littéraire.
Miguel Bonnefoy le 22 avril 2024 à Paris. (Aurelie Lamachere/Deyrolle.Opale)
publié le 5 novembre 2024 à 13h13

La saison des récompenses littéraires se poursuit. Après le Goncourt et le Renaudot lundi, c’est cette fois le prix Femina qui a été décerné ce mardi 5 novembre à Miguel Bonnefoy, pour son ouvrage le Rêve du jaguar (Rivages). Le jury, composé de douze femmes, a décoré l’auteur franco-vénézuélien de 37 ans au Musée Carnavalet. Miguel Bonnefoy l’a emporté grâce à cinq voix, contre quatre pour Emma Becker avec le Mal joli (Albin Michel). Etaient aussi dans la dernière sélection : Christophe Bigot, Benjamin de Laforcade, Pierre Adrian et Antoine Choplin. Miguel Bonnefoy succède à Neige Sinno, lauréate en 2023 avec son roman sur l’inceste Triste tigre.

Miguel Bonnefoy fait coup double : son dernier roman a été couronné du Grand prix du roman de l’Académie française le 24 octobre. «C’est un prix que j’attendais depuis dix ans», a-t-il dit à l’annonce du Femina, rappelant que sa langue maternelle n’était pas le français mais l’espagnol. L’écrivain de mère vénézuélienne et de père chilien a grandi au Vénézuela. Adepte des sagas familiales et conteur à la prose facile, il avait imaginé dans son premier roman, le Voyage d’Octavio (récompensé de plusieurs prix dont celui de la Vocation), le destin d’un analphabète vénézuélien, récit d’initiation et épopée picaresque, et dans Héritage une lignée chilienne sur quatre générations, descendants de Lonsonier (de Lons-le-Saunier) qui avait quitté la France pour faire souche à Valparaíso, puis à Santiago à la fin du XIXe siècle. Dans son précédent roman, l’Inventeur, Bonnefoy revisitait le destin d’Augustin Mouchot (1825-1912), fils d’un serrurier de Semur-en-Auxois (Côte d’Or), devenu professeur de mathématiques et surtout découvreur de récepteurs solaires susceptibles de devenir une énergie alternative au charbon. Le Rêve du jaguar qui s’inspire de la vie de ses grands-parents maternels, débute par un nourrisson abandonné sur les marches de l’église de Maracaibo au Venezuela qui deviendra l’un des plus célèbres chirurgiens de son pays, comme le relate son fils Cristobal.

Une autre Sud-Américaine a été récompensée par le prix Femina du roman étranger, la Chilienne d’origine palestinienne Alia Trabucco Zeran, 41 ans, pour Propre (Robert Laffont), le monologue d’Estela, 40 ans, employée de maison à Santiago, au Chili, chez un couple de bourgeois malsains, dont la fillette meurt. Son premier roman, premier traduit en français, la Soustraction (Actes Sud, 2021) racontait le road trip de Paloma à la recherche du corps de sa mère, l’avion qui la ramenait à Santiago ayant été détourné à cause d’une éruption volcanique.

Le prix Femina de l’essai a été décerné à Paul Audi pour Tenir tête (Stock), un essai sur l’antisémitisme en France qui analyse le conflit israélo-palestinien par le biais de la correspondance de deux amis français. «Je me sens en quelque sorte porté à défendre la lutte contre l’antisémitisme d’un point de vue qui n’est pas, justement, celui d’un Juif, car je n’en suis pas un», a dit le philosophe franco-libanais à l’annonce de son prix.

Un prix spécial a également été attribué à l’Irlandais Colm Tóibín, pour Long Island (Grasset), dans lequel, vingt ans plus tard, il ramène Eilis Lacey, jeune Irlandaise émigrée aux Etats-Unis, l’héroïne de Brooklyn (2009), dans son pays natal s’occuper de sa mère. Présent à la remise du prix, l’écrivain a remercié la traductrice de ses quinze livres, Anna Gibson.

A sa création en 1904, le prix Femina avait pour vocation d’apporter un regard féminin dans un monde littéraire dominé par les hommes, et aspirait à contrebalancer le prix Goncourt, qui décorait très peu de romancières. Lancé en 1903, celui-ci sera décerné pour la première fois à une femme, Elsa Triolet, en 1945. La spécificité du Femina réside dans son jury exclusivement féminin.