Un titre qui évoque le célèbre parfum aux fragrances du jardin provençal de la famille Dior, une photographie d’un mannequin à la longue robe blanche vaporeuse. Rien dans cette couverture délicate n’annonce l’ambition de l’ancienne rédactrice en chef du magazine Harper’s Bazaar UK : écrire la biographie de la sœur du grand couturier, Catherine, auquel celui-ci dédie en 1947 sa création. De fait, la légèreté sophistiquée du surnom «Miss Dior» sied alors peu à sa cadette de 12 ans, résistante rescapée de la déportation. Si l’armée de l’ombre impliquait, par force, la discrétion, l’après-guerre, on le sait, fut peu portée à écouter les survivants, longtemps incapables, du reste, de verbaliser l’indicible horreur. Ce double déficit de sources conduit Justine Picardie à traquer les traces infimes de cette héroïne, injustement oubliée, complice et constant soutien de son frère. Une gageure.
La documentation de la maison Dior et de son musée, malgré sa richesse, ne pouvant suffire, l’autrice croise les témoignages de ceux et celles qui ont soit connu cette élégante femme, aussi discrète que forte, soit vécu ces années noires. Au récit glaçant de la torture et de l’enfermement à Ravensbrück, l’ouvrage oppose les brillantes mondanités d’une certaine haute société, clientèle de la haute couture, à la posture souvent ambiguë, minorant la résistance des uns pour majorer la collaboration des autres, avant de nous faire pénétrer dans le monde fermé de Dior, jusqu’à son décès prématuré en 1957. Dès lors, Catherine veillera sur la mémoire de son frère, jusqu’à sa disparition en 2008.
Inattendue, cette construction présente un double intérêt : d’une part, elle fait renaître cette inconnue jusque dans sa sensibilité que la journaliste partage – guettant la présence de sa défunte sœur à travers des signes de son absence –, d’autre part, elle révèle la vision actuelle, surprenante, de l’histoire de France d’une Britannique de renom, à destination, initialement, de ses concitoyens.