Il y a le pain de Milad mais aussi le sucre de Milad. Le héros de Mohammed Alnaas a-t-il raté le train de la virilité en s’occupant des jambes de ses sœurs ? Le seul garçon de la famille s’est fait une spécialité dès l’adolescence : préparer le caramel à l’eau de rose ou de fleur d’oranger qui servira à l’épilation de Saliha, Safa, Sabah et Asma. Et puis il sait tirer les languettes de caramel tiède et souple avec délicatesse, la légère souffrance est délicieuse, disent les intéressées. Plus tard c’est Zeinab, la fiancée, avec laquelle il s’adonne à d’autres jeux dans l’appartement d’un oncle artiste et libéral, qui profite de ses talents d’éradicateur de poils. Milad est décidément en marge du rôle qu’on attend de lui. Quand il le surprend en train de participer à ces scènes de boudoir, le père est furieux, le gifle. Et voilà le garçon tiré de ce doux nid sororal : dorénavant il ira tous les jours à la kousha, la grande boulangerie paternelle «héritée» d’un maître italien, les Epis d’or. Là une autre forme de sensualité l’attend, il apprend avec amour le métier, la fabrication de toutes sortes de pains, italiens, tunisiens, anglais, français.
Du pain sur la table de l’oncle Milad déroule six parties comme autant de lieux visités par la mémoire : «la boulangerie», «la caserne», «la maison de famille»… Plus original, chacune porte en exergue, comme en un chemin de croix, un proverbe populaire. Mis bout à bout ils sont une désespérante litanie sexiste véhic