A l’occasion du Festival du livre de Paris les 11, 12 et 13 avril, nos journalistes cèdent la place à des autrices et auteurs pour cette 18e édition du Libé des écrivain·es. Retrouvez tous les articles ici.
De 1935 à 1939, mon grand-père Marcel a vécu la montée du fascisme et la marche vers la guerre à bord du Normandie, le plus grand paquebot transatlantique du monde. Dans cet univers de luxe et de distractions, en marge des fuseaux horaires, c’est lui qui imprimait avec six autres ouvriers le quotidien l’Atlantique distribué chaque jour à tous les passagers. Ce matin, alors que l’on s’attelle à fabriquer le journal assis à la grande table de la salle de rédaction, je pense à lui.
Toutes les nuits, Marcel et ses collègues transcrivaient les dépêches qu’ils recevaient en morse par TSF de l’agence de presse Havas. Certains petits articles étaient composés à la main, lettre par lettre, d’autres tapés à la Linotype, cette machine à écrire vissée à une fonderie qui fait un tintamarre proche de la machine à sous. Dans les pages du journal, d’un encart à l’autre, différents sons de cloches, comme un petit Courrier international de l’époque. Selon que la dépêche vient de Rome ou de Paris, la conquête de l’Ethiopie par l’Italie en 1936 est une fatalité à accepter «avec calme et sang-froid» ou «la plus grande guerre coloniale de l’Histoire, voulue