Betsy semble être passée de la lumière à l’ombre. Jeune, on la disait intelligente et belle, «brillantissime». Elle avait de nombreux soupirants, ils l’appelaient «la Tanagra», du nom d’une gracieuse figurine antique en terre cuite. «Betsy est une très jolie jeune fille ; notre grand-mère lui offre, chaque année, des robes de bal. Sa chevelure rousse est magnifique. Elle a beaucoup de succès», en disait sa sœur Claude (Betsy était la deuxième d’une famille de onze enfants). C’était avant. Des décennies après, elle ne se ressemble plus. Un oncle décrit un physique repoussant : un visage avec deux trous, qu’elle essayait de masquer par le peu de cheveux qui lui restait. «Mon père, à côté de son frère sur le canapé, opine du chef. Il dit : Elle ressemblait à un volatile. Dégarnie, avec un long cou, des cavités de chaque côté du crâne, et les lèvres gercées.» Que s’est-il passé dans cet entre-deux, entre la Tanagra et l’oiseau déplumé ? Pourquoi Betsy (1916-1990), l’arrière-grand-mère de l’autrice qui ne l’a pas connue, a-t-elle disparu sous le tapis, sous un linceul opaque, cataloguée «schizophrène» ? L’enquête sur son aïeule qu’a menée Adèle Yon, chercheuse en études cinématographiques, captive de bout en bout.
Les réticences fondent doucement
Comme de nombreux récits inspirés de béances familiales, Mon vrai nom est Elisabeth soulève un couvercle. Le silence a remisé Betsy. Personne ne prononce son nom. «Je sais qu’à l’instant où j’aurai tiré ce nom du silence, avec ce geste sec