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Disparition

Mort de Laurent de Brunhoff, héritier et continuateur de Babar : la même patte d’éléphant

L’auteur et illustrateur français Laurent de Brunhoff, mort vendredi à l’âge de 98 ans aux Etats-Unis, a poursuivi avec succès les aventures de Babar, personnage adoré des enfants du monde entier, créé en 1931 par ses parents.
Le personnage de Babar a été créé par Cécile et Jean de Brunhoff, les parents de Laurent qui a poursuivi leur œuvre. (Neilson Barnard /Getty images. AFP)
publié le 23 mars 2024 à 9h22
(mis à jour le 23 mars 2024 à 9h22)

Il fut, avec son frère Mathieu, le premier enfant à entendre une histoire de Babar. C’était à l’été 1930, dans la maison de son grand-père à Chessy, en Seine-et-Marne : pour consoler son frère malade, sa mère Cécile inventait l’histoire d’un éléphant qui découvre la ville. Devant l’enthousiasme de Laurent et Mathieu, leur père, Jean, décidait de la mettre en image… «Dans la grande forêt, un petit éléphant est né. Il s’appelle Babar». Suivront six albums avant que Laurent, jeune adulte, ne reprenne le flambeau et en poursuive les histoires. Cet enfant devenu grand, l’illustrateur Laurent de Brunhoff, est mort vendredi 22 mars à l’âge de 98 ans aux Etats-Unis.

Les albums de Babar – Laurent en a signé une vingtaine – se sont vendus à des millions d’exemplaires, notamment aux Etats-Unis, et ont été traduits en plus des dizaines de langues. Le succès commença dès le premier album, édité en 1931 aux éditions du Jardin des Modes, avant que la collection ne rejoigne Hachette Jeunesse en 1936.

«Mon père a créé un nouveau style de livres pour enfants : de grands formats, de superbes doubles pages avec une écriture cursive. Ses illustrations étaient un vrai monde dans lequel on pouvait plonger, plus cinématographiques que les petites images qui nous étaient familières, par exemple celles de Beatrix Potter ou de notre Winnie the Pooh adoré», rappelait en 2011 Laurent de Brunhoff dans les Histoires de Babar, le catalogue de l’exposition consacrée aux 80 ans de Babar à la BnF.

«Continuer Babar, c’était prolonger la vie de mon père»

Le roi des éléphants perd son premier créateur très tôt : Jean de Brunhoff meurt de la tuberculose en 1937, à l’âge de 37 ans. Laurent est encore un enfant. Il reprendra le personnage au sortir de la Seconde Guerre mondiale, en 1946, avec l’album Babar et ce coquin d’Arthur. «Je voulais faire de la penture abstraite mais j’ai dessiné mon premier album à l’âge de vingt ans, racontait-il, toujours dans les Histoires de Babar. Puisque je m’amusais à faire des éléphants comme ça, pour jouer, [ma mère] m’a suggéré de faire un album, ce qui m’a beaucoup excité. Dès mon premier album, j’ai eu envie de continuer.» «Continuer Babar, c’était prolonger la vie de mon père», disait-il encore, se décrivant comme «babarisé».

Né le 30 août 1925 à Paris, Laurent avait suivi des études de peinture. Il restera fidèle au style de son père en favorisant les explosions de couleurs et en maintenant le grand format. Il a aussi conservé le même esprit familial naïf, fait d’attendrissantes bêtises et d’une grande douceur générale. Outre Babar et ce coquin d’Arthur, on doit à Laurent de Brunhoff la Fête de Célesteville, Babar sur la planète molle ou encore Babar à Paris, albums qui se sont transmis de génération en génération.

Laurent de Brunhoff, qui a aussi travaillé pour les éditions scolaires chez Hachette et chez Nathan, s’était installé aux Etats-Unis et marié à l’autrice américaine Phyllis Rose. Il a fait don de planches originales de Babar à la Morgan Library de New York ainsi qu’à la Bibliothèque nationale de France. Sous sa férule, Babar est aussi devenu un objet de merchandising, décliné en quelque 500 objets, du cartable à la parure de lit en passant par le papier peint et même le parfum. L’illustrateur Bruno Heitz s’en amusait en 1990 dans le grinçant les Avatars du roi Tatar, figurant un monarque dégoûté de se voir décliné jusqu’en lunette de toilettes : «Je préfère ma rivière à ce marécage plein de requins ! Même s’il doit y avoir une bonne guerre avec les crocos !» Devenir objet de pastiche : la marque des plus grands personnages.