Il rêvait de devenir un grand écrivain, il fut un grand éditeur, élu à l’Académie française. Comme il le note lui-même dans Jeunesse, premier volume de son autobiographie qu’il refusait de qualifier de «Mémoires», estimant le terme trop solennel, Pierre Nora était doué pour entrer «dans la logique des autres, ce qui [l]e rete[nait] d’affirmer la [s]ienne». Cet homme charmeur au regard bleu, à la voix rocailleuse et chaleureuse, drôle, ironique et extrêmement urbain mais capable, paraît-il, de répliques cinglantes se présentait comme un intellectuel décalé, donnant «la priorité à l’oreille et à l’œil» plutôt qu’à l’action. Cependant, à sa façon, Pierre Nora fut un acteur : pilier des sciences humaines en France entre les années 1960 et 1990, il a changé la façon dont on écrit l’histoire grâce notamment aux trois tomes des Lieux de mémoire, dont il fut l’instigateur et le coordinateur ; grâce aussi à l’exercice de l’ego-histoire, auquel il s’est livré, ne se contentant pas d’inventer l’expression, en se faisant historien de lui-même dans son œuvre, entre autres dans Jeunesse, Une étrange obstination et Historien public. Contemporaine du retour du sujet, après son effacement dans les années 1950 (un changement que l’historien expliquait par l’attachement à la figure de l’homme provi
Disparition
Mort de l’historien Pierre Nora, une vie pour mémoire
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Pierre Nora à Paris, en septembre 2020. (Photo Frédéric Stucin)
publié le 2 juin 2025 à 20h49
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