D’un complexe, il avait fait une attitude. Sam Shepard (1943-2017) ne souriait pas, ou très peu, l’air plus volontiers renfrogné, la bouche fermée assortie à la ride du lion. On pouvait y voir la moue typique du cow-boy taiseux (aperçue entre autres dans les Moissons du ciel de Terrence Malick), mais le masque ne venait pas de nulle part. Dans l’un des fragments de Motel Chronicles, le narrateur se revoit enfant. «Je me souviens avoir essayé d’imiter le sourire de Burt Lancaster après l’avoir vu lui et Gary Cooper dans Vera Cruz. Des jours et des nuits je me suis entraîné dans la cour.» Shepard avait moins de 10 ans à la sortie du western de Robert Aldrich. «Pour épater les filles», il s’en alla tester la réussite de son interprétation à l’école. Les réactions de ses camarades ne furent pas celles qu’il escomptait. Les autres enfants le fixèrent bizarrement, avec de la crainte dans les yeux. «J’avais oublié comme mes dents étaient mauvaises. Qu’une de mes incisives était morte et noircie et recouvrait en partie sa voisine cassée.» Puisqu’il ne voulait faire peur à personne, il arrêta de sourire en public, et bientôt même chez lui. «J’en suis revenu à mon visage vide.»
Publiées aux Etats-Unis en 1982 et en France en 1985,