Menu
Libération
Poésie

Nicolás Guillén, legs d’Afrique à Cuba

Article réservé aux abonnés
Publication d’«Elégies et chansons cubaines», anthologie d’un poète qui introduisit dans les années 1930 le chant, les mots et les rythmes des descendants d’Africains dans la poésie lyrique espagnole.
Guillén, 1942. Il sut introduire le chant, les mots venus d’Afrique dans la poésie lyrique espagnole. (DR)
publié le 3 mai 2024 à 13h43

Quand on disait au poète cubain Nicolás Guillén qu’il était noir, il répondait volontiers : «Noir ? Non. Toujours mulâtre !» Les éditions Seghers publient une anthologie de ses meilleurs poèmes, ceux des années 1930 et 1940, dans les traductions faites voilà une soixantaine d’années par Claude Couffon, ami et passeur de quelques grands poètes latino-américains, dont Pablo Neruda, liés pour le meilleur puis pour le pire au communisme. Né en 1902 à Camagüey, dans le centre de l’île, fils d’un directeur de journal, Guillén publie ses premiers poèmes dans les années 1920. Puis, à 28 ans, il introduit spectaculairement et sobrement le chant, les mots et les rythmes des descendants d’Africains dans la poésie lyrique espagnole, poésie qu’il connaissait en intime et en érudit. Que cette greffe s’effectue dans une île dont l’histoire est si profondément liée à l’esclavage et au métissage n’a rien d’un hasard. Les artistes, les écrivains, les compositeurs qui gravitent alors autour de la revue Origenes (Origines) ont à cœur, au même moment, de mettre en formes une mémoire que les colons espagnols voulaient ignorer. Du berceau au cercueil, Guillén la fait chanter sur la page, taillée en copeaux : une série de tambours, de dieux sauvages et de cris sourds font irruption dans un