«Les grimpeurs, et les Britanniques en particulier, n’aiment pas montrer leurs émotions.» Nous voilà bien. Pourtant Al Alvarez, l’auteur de cette phrase et du livre dont elle est extraite, lui-même «grimpeur» occasionnel, dresse un portrait très tendre de Mo Anthoine. Né en 1939 au pays de Galles, mort à 50 ans d’un cancer du cerveau, «Mo» faisait de l’escalade son métier. Dès les années 1960, il devint l’un des meilleurs de son pays sans jamais chercher la publicité. Il était le contraire de Maurice Herzog : issu d’un milieu populaire, Mo ne bataillait pas pour se retrouver à la une des journaux. Il allait à rebours de ceux qui pratiquent cette activité avec en tête la maxime suivante : «un sommet ou la mort». Il avait commencé les ascensions à une époque où les protections étaient rudimentaires, si bien qu’il avait une «conscience aigüe de la chute». Plusieurs grimpeurs, Al Alvarez notamment, eurent la vie sauve grâce à Mo. Il aimait conjuguer ce sport et la camaraderie. Nourrir la bête montre que la sympathie n’est pas la règle dans ce sport où, «en solo», on n’est rien.
Taiseux, généreux et comique
Le surnom de Mo lui venait de l’un des trois Stooges, une troupe de comiques américaine. Son humour était «assez similaire à celui des Tchèques» : de l’autodérision avant tout, note Al Alvarez, qui l’a rencontré en 1964 lors d’une expédition dans les Dolomites, puis s’est lié à lui au fil des ans. Nourrir la bête, titre calqué sur l’expression de Mo pour déc