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«Onze cahiers de confession» de Bruno Reidal lu par Jean-Eudes Foumentèze, juriste

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Chaque semaine, une lectrice ou lecteur chronique un coup de cœur. Aujourd’hui, la généalogie d’un crime.
Portraits de profil de Jean-Marie Bladier, publiés dans l'édition de 1907 des "Archives de l'anthropologie criminelle". ( Bibliothèque municipale de Lyon)
par Jean-Eudes Foumentèze, juriste
publié le 16 mars 2024 à 23h18

«A l’âge de quatre ans […] les idées de meurtre commençaient à germer dans mon esprit.» Bruno Reidal (Jean-Marie Bladier, de son nom de naissance) a 17 ans. Il est séminariste. Il aime les garçons et la masturbation, frénétiquement. Il aime Denis mais c’est Jean qu’il décapite au couteau, un camarade «qui avait l’air si heureux, content, fier, arrogant». Nous sommes en 1905 dans un petit village du Cantal, croqué impétueusement par des vents secs et froids. L’histoire n’est pas celle de Judith décapitant Holopherne, Bruno Reidal n’a rien à sauver : il est un assassin et ses pulsions meurtrières sont son peuple.

Se présentant après son crime à la gendarmerie, Bruno Reidal est incarcéré puis interné. Il est suivi par plusieurs psychiatres dont Alexandre Lacassagne (l’un des fondateurs de l’anthropologie criminelle) qui lui demandent de raconter sa vie et de décrire son crime. Ce sont ses Onze cahiers de confession, publiés pour la première fois dans leur intégralité.

Ces écrits sont la tragédie d’un fou dans un paysage de basalte sur lequel des ombres sauvages vagabondent. Fier et sombre, fou et dévotieux, intelligent et triste, Bruno Reidal décrit sans ambages, d’une manière sèche et sans larme, son meurtre et davantage encore ses pulsions assassines qui naissent dans sa plus rude enfance.

Dans la vie de Bruno Reidal, rien ne paraît possible pour échapper au drame : enfant brutalisé, la honte silencieuse de sa misère, un corps chétif inadapté aux travaux des