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Mardi SF

«Organes invisibles», l’étreinte des rêves

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Science-Fiction dossier
Retrouvez chaque mardi une chronique, une interview ou un portrait lié à un texte de science-fiction qui fait l’actualité. Aujourd’hui, un recueil de textes fantastiques par le Libanais Zaki Beydoun.
La frontière abolie entre le réel et l’irrationnel provoque l’absurde, notamment dans les nouvelles très courtes, en prose ciselée. (Henrik Sorensen/Getty Images)
publié le 21 novembre 2023 à 19h18

Le psychanalyste de sa petite amie lui téléphone. «Il m’explique alors que, selon elle, c’est au sens littéral que je ne la vois pas. Je la traite comme si elle était un fantôme, invisible et inaudible.» On songe aux effets de l’habitude dans un couple, l’usure du temps qui rend l’autre moins désirable et moins visible. Le narrateur y songe aussi, et bien qu’un peu agacé par l’intrusion du praticien dans sa vie privée, accepte le rendez-vous que celui-ci fixe au couple le lendemain matin. Le soir, sa compagne n’est pas à la maison, pas plus le lendemain à l’heure dite au cabinet. En tout cas à ses yeux. Car le psychanalyste lui demande de la saluer, mais il ne voit qu’un fauteuil vide. «L’Eveil» est la nouvelle la plus longue du recueil de Zaki Beydoun, Organes invisibles, titre d’un des textes, idéal pour cette anthologie. Le corps, sa disparition, apparaît comme un thème majeur de l’écrivain, né en 1981 au Liban, qui enseigne à l’université de Zhejiang en Chine, après une thèse de philosophie à Paris.

Dans «Extension», son narrateur allongé dans l’herbe grandit, grandit au point que «la plupart des galaxies ne dépassent plus la taille de ma paume». Celui de «A l’intérieur d’un point» en revanche, se rétrécit jusqu’à être enfermé dans un point. «Le mot “corps”, à présent, se dit-il, n’a pas plus de sens pour moi que le mot “couleur” n’en a pour un aveugle.» Les situations fantastiques, toutes vécues ou presque de la perspective d’un «je», s