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Libération
Lundi poésie

Orianne Papin, ô temps de l’insouciance

Dans son nouveau recueil, la poétesse et professeur de lettres au collège chante en vers libres les réminiscences de l’enfance et ses milliers de possibles.
La poétesse Orianne Papin. (PH Baranek)
publié le 8 avril 2024 à 10h06

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«Au commencement /nous n’avions peur de rien.» Il est un temps, bien avant l’âge adulte, où l’insouciance est un rapport au monde. Ce pays, l’enfance, par lequel on passe tous et toutes, inspire à Orianne Papin des vers économes et des poèmes d’une grande douceur, qui sont autant de fenêtres ouvertes sur un territoire perdu. Et tout cela donne en ce début avril un recueil aux éditions Bruno Doucey, C’était pour du beurre, long chant de réminiscences universelles sur le jeune âge. Du style : «Nous mettions /des cailloux /plein nos poches» ou «Nous étions /de redoutables troqueurs /de jouets, de billes et de cartes».

Plongée mémorielle dans les années prépubères de la vie de la poétesse, ce nouveau livre – après Angoisse(s), Poste restante et Je veux te connaître, chez la Marge, Décharge et l’Aigrette – déploie dans une langue candide – mais pas naïve - un regard poétique renouvelé sur un territoire archaïque. Il met à jour les horizons quasi infinis de l’univers infantile, sa liquidité et sa grande fluidité. «Je n’ai jamais /autant changé /d’âge /de métier /de prénom /de langue maternelle /de voix /d’adresse /de sexe /d’espèce /que pendant mes dix premières années», pépie l’écrivaine, également professeur de français dans un collège de Seine-et-Marne. Car dans cette exploration en prose, s’il y a bien une allégation, c’est celle d’une créativité sans borne et manifeste d’un éden regretté loin des tracas – et du verbiage – des grandes personnes.

Orianne Papin, C’était pour du beurre, éd. Bruno Doucey, 112 pp., 15 euros

L’extrait

Bien sûr on y a cru

que la vie n’était rien d’autre

qu’une partie de cache-cache

puisqu’il fallait décoller

les coquillages des rochers

plonger la main tout au fond

du paquet de céréales

taper joue droite ou joue gauche

localiser la grande ourse

et Charlie

ramasser les châtaignes

creuser dans le sable

deviner la couleur des pétales

quelle main ?

ouvrir les pistaches

et chercher les trèfles à quatre feuilles


nous étions prêts

à renverser le monde

pour y trouver

au moins une

réponse.