C’est à n’y rien comprendre. Certaines plantes ont besoin de soleil, d’autres de pluie ou encore d’engrais. Mais c’est surtout de patience qu’il faut s’armer pour faire grandir ce «pot de fleurs, oublié dans un coin». Car pour l’instant il ne paye pas de mine face aux autres bourgeons éclos et colorés présents dans la serre de Saule. Bleu, rouge ou violet, toutes les fleurs ont les yeux rieurs – voire moqueurs – face à cette tige verte dépourvue de tout attribut. Comment faire pour que cette jeune pousse s’épanouisse et fleurisse ? Lui lire les poèmes de Brindille, l’amie de Saule, pourquoi pas. L’emmener à bicyclette en ville manger une glace, c’est une idée. La promener dans un panier en osier en compagnie d’une poule, c’en est une autre. Aucune ne semble être assez ubuesque aux yeux de Saule et de Brindille, deux jeunes botanistes, pour être réfutée.
Actrice de la douceur
Ainsi avance la Plante magique. Parmi ces idées, une semble porter ses fruits : emporter la fleur dans le jardin quand la lune se lève. Et, lui parler pour combler l’attente. De tout ce qui traverse l’esprit de Saule : aussi bien de la beauté de Brindille «quand elle dit son poème», de la force d’une plante face à «un monstre des mers» et du charme d’une voix fluette face à celle d’une «chanteuse d’opéra». Succès, au lendemain matin, «un petit bouton jaune éclôt». On ne peut s’empêcher de penser à la Rose du Petit Prince. Mais le cœur de cet album chez Hélium – comme du roman de Saint-Exupéry fêtant cette année ses 80 ans – est l’histoire d’amitié entre Saule, la narratrice et Brindille. Rien d’inhabituel jusqu’ici au rayon jeunesse – si ce n’est les illustrations de Marika Maijala.
Terminé ses dessins de couleur aux crayons gras fait à la va-vite dans Rosie court toujours (Hélium, 2021), bonjour la gouache dans ce second album. Ses traits toujours en rondeur relèvent presque d’un dessin d’enfant. L’absence de perspective n’arrange rien. Et pour cause, actrice de la douceur, la Finlandaise garde une certaine naïveté dans son tracé. «Observer les gens autour de moi vivre leur vie, rire, se perdre, essayer de bien s’entendre les uns avec les autres», dit-elle sur son site web, est son inspiration pour ces pages de vie où les magiciens côtoient les fleuristes, les restaurateurs ou encore les boulangers de leur ville. Faire éclore cette fleur ne relève finalement ni de subterfuges magiques ni de balades en mer ou sur terre, mais simplement de tendresse et d’acceptation de l’autre.