L’ouvrage s’ouvre sur une citation d’une lucidité étourdissante : «Marie ai nom, et suis de France. Il se peut qu’un clerc ou deux signent de leur nom mon ouvrage…» Qui se souvient, aujourd’hui, de Marie de France ? Qui, à part des spécialistes, sait qu’elle fut la première fabuliste française, en 1180, un demi-millénaire avant un certain Jean de la Fontaine, dont pas un marmot dans ce pays n’ignore l’existence ? Ce fut pourtant bien elle, la première à reprendre les fables inspirées d’Esope en français, et non en latin. L’on sait peu de choses d’elle, si ce n’est qu’elle connut une certaine renommée de son vivant, avant de sombrer dans l’oubli, comme elle semblait le présager dans l’épilogue de ses fables, dont sont issues les deux phrases susmentionnées. Vingt-quatre de ces textes sont aujourd’hui publiés et illustrés aux éditions Talents hauts, qui s’emploient depuis dix-huit ans à rendre visibles les femmes, tant autrices qu’héroïnes.
«Son travail a été invisibilisé par l’histoire littéraire, par toute l’institution qui consacre les valeurs de la littérature, comme celui de beaucoup d’autres femmes. Elle a été oubliée et maltraitée alors que ça vaut vraiment la peine d’être réédité», vante Laurence Faron, directrice des éditions Talents hauts, fière de pouvoir «montrer qu’une femme au XIIe siècle écrivait si bien, et des choses qu’on attribue en général à un homme». Il n’est ici nullement question de minorer l’œuvre de Jean de la Fontaine, encore moin