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Pages jeunes : «l’Usine de guimauves», petit traité anticapitaliste au royaume des licornes

Chaque semaine, «Libération» passe en revue l’actualité du livre jeunesse. Aujourd’hui, un album coloré et enjoué qui permet d’aborder sans prise de tête l’exploitation des ressources naturelles et la surconsommation.
«L'usine de guimauves» de Camille Collaudin et Lena Desmettre. (Ed. Petit Kiwi)
publié le 29 mars 2023 à 13h25

On n’imaginait pas qu’un monde de licornes multicolores, à la mine tellement extatique qu’on se demande si elles ne carburent pas au LSD, nous mènerait sur le chemin de l’anticapitalisme et de la décroissance. La cascade est réalisée par des professionnels, Camille Collaudin au texte, Léna Desmettre au dessin, ne tentez pas de la reproduire chez vous. Débouler dans l’Usine de guimauves donne à voir un univers merveilleux, celui d’une communauté de chevaux monocornés bleus, roses ou violets, excités par leur quotidien, qui consiste à bondir d’un nuage à l’autre et à dévaler leur arc-en-ciel comme un toboggan. Le jour où une usine de guimauves ouvre ses portes, c’est l’apothéose. Que peut-il y avoir de plus réjouissant qu’une boutique de sucreries à demeure ? D’autant qu’il y en a de toutes les couleurs, de tous les goûts.

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L’engouement des licornes est immédiat. A tel point que les guimauves deviennent incontournables, dans les soirées comme lors des barbecues et des mariages. Monsieur Moustachecorne, le patron de l’usine, est célébré en héros. Seulement voilà : pour fabriquer ses bonbons, il aspire les nuages – on sait pourtant depuis la Pat’Patrouille le film que c’est une très mauvaise idée – et fait fondre des arcs-en-ciel pour leur donner couleur et saveur. Résultat, à mesure que les jours passent, le terrain de jeu des licornes se restreint. Même les oiseaux et leur chant gracieux ont pris la tangente, n’ayant plus de gouttes d’eau à se mettre sous le bec.

Le pouvoir de sauver la planète

Alice interroge donc ses parents : pourquoi les ressources naturelles sont-elles en train de disparaître ? Mais parce que Monsieur Moustachecorne les pille pour se faire plein de fric, mon enfant ! Bien sûr, ce n’est pas dit comme ça. Et c’est là la force de ce livre : il parvient à aborder des concepts complexes de façon tout à fait abordable pour de jeunes enfants. Afin de fabriquer ses guimauves, le patron de l’usine doit utiliser les nuages et les arcs-en-ciel. Et plus les enfants veulent de guimauves, moins il y a de nuages et d’arcs-en-ciel. Tout simplement.

Et ça nous mène, on vous le donne en mille, au concept de boycott. Car les jeunes licornes sont des gauchos en puissance, conscientes que puisque le cupide Moustachecorne refuse de changer son mode de production, ce sont elles qui auront le pouvoir de sauver la planète. On notera cette phrase délicieuse : «En quelques jours, M. Moustachecorne ne vend plus de guimauves et doit arrêter sa production. Cela le rend triste, car il rendait les enfants très heureux (en plus d’avoir une très grosse maison).»

L’Usine de guimauves est un bon support pour engager avec les enfants des discussions sur l’exploitation des ressources naturelles, la course au profit, la surconsommation. Un outil pédagogique utile à l’éveil des consciences, habilement enrobé dans les références de l’enfance.

L’Usine de guimauves de Camille Collaudin et Léna Desmettre, éditions Petit Kiwi, 36 pp., 14 €. A partir de 5 ans.