Menu
Libération
Roman

Pages jeunes : Yann Apperry, une histoire de monstres

Chaque semaine «Libération» passe en revue l’actualité du livre jeunesse. Aujourd’hui, un étrange cabinet vétérinaire dans «Ottoline et le vétérinaire des monstres», le roman illustré de l’auteur franco-américain.

Dans «Ottoline et le vétérinaire des monstres» rien ne se passe comme prévu, nous précipitant ainsi dans un monde parallèle, celui des monstres. (Pocket Jeunesse)
Par
Charline Guerton-Delieuvin
Publié le 20/04/2023 à 20h54

Ottoline a vite fait de s’ennuyer l’été surtout quand sa tante Eudora, hypocondriaque, toujours un chiffon à la main, l’empêche de sortir. Et ne comptez pas sur son cousin Angus, ce «cornichon» de 31 ans constamment à l’ouest pour la divertir cet été. Evie, la gouvernante, semble être son unique option – elle qui s’est toujours occupée d’Ottoline depuis le décès de ses parents. Seulement, ses bons petits plats ne sont pas suffisants pour faire passer «ces quarante-cinq jours». Et la demeure ? Pourtant avec «la grille, les arbres centenaires, le château et ses tours, plus étroites et plus pointues les unes que les autres, plus branlantes, plus tordues, coiffées d’étranges chapeaux de tôle, de brique ou de tuile», il y a de quoi s’amuser. Et pourquoi ne pas envisager faire du vélo dans les couloirs comme Danny dans Shining de Stanley Kubrick ? C’était sans compter sur sa tante qui «n’obéissait qu’au dictateur dans sa tête, une version miniature d’elle-même, qu’Ottoline imaginait à l’intérieur d’une boîte en Plexiglas, une tapette à mouche dans une main, une bombe désinfectante dans l’autre». Un été a priori sympathique qui l’attend.

Dans Ottoline et le vétérinaire des monstres rien ne se passe comme prévu, nous précipitant ainsi dans un monde parallèle, celui des monstres. En pleine nuit, le vent s’engouffre dans sa chambre quand soudain elle entend un cri. Avant d’apercevoir une ombre. Le ton est donné : qu’importe si nous avons peur des créatures fantastiques, il va falloir cohabiter avec. Et, les illustrations de Laurent Gapaillard se suffisent à elles-mêmes pour nous flanquer la trouille. Aucune couleur ne peut en surgir. Elle est emprisonnée dans le noir, le blanc, les ombres – comme nous. Coincés avec Ottoline face à cette créature ayant «une paire de pattes avant, munies des mêmes griffes de cristal» avec une tête «bleue pâle, avec ses oreilles en pointe et son museau noir». Avec la complicité de Evie et de son oncle Arwanach, le vétérinaire des monstres, Ottoline, 11 ans, devrait parvenir à le sortir d’ici et à le soigner.

Etrange potion

Pourquoi Arwanach Morrow ambitionne-t-il de l’aider ? Parce qu’ils sont de la même famille, pourrions-nous résumer. Derrière cette simplicité se cache un pacte, le «Foedus Monstrorum» signé en 1637 entre «le premier de la lignée, Wymerus Blake» et les monstres. Depuis, tous les soirs, de 20 heures à 23 heures, plusieurs créatures blessées se succèdent dans son cabinet situé au bout de Crackhill Road. Du Crow, le renard ailé en passant par le Bolder, une «énorme boule grise, à l’apparence caoutchouteuse» ou encore des bêtes plus féroces comme le Flowerpus qui enroule une de ses tentacules autour d’elle, Ottoline les soignent in extremis. Et son oncle ? Il s’endort. C’est le pire. «Vous êtes tout le temps épuisé. Vous êtes blanc comme un cachet d’aspirine et vous passez votre temps à vous endormir.» Pour venir à bout de cette somnolence, une goutte – pas plus – d’une étrange potion. Ottoline est sensible aux explications de son grand-oncle et, essaye de recoller les informations fragmentées de son aïeul et de les appliquer. Pas toujours. Elle a cette curiosité qui caractérise bien les adolescents, celle qui vous pousse à défier l’autorité parentale, à franchir les limites et à faire vos propres découvertes. Par exemple, s’aventurer dans un tunnel secret menant vers le monde des monstres.

A force d’être dans la tête d’Ottoline et dans l’univers à la fois fantastique et réaliste de Yann Apperry, on finit par être persuadé de l’existence de ces créatures plus effrayantes les unes que les autres. Et pour les plus récalcitrants, il y a à la fin du roman un index les répertoriant. «Ou n’était-ce que son imagination ?»

Ottoline et le vétérinaire des monstres de Yann Apperry et Laurent Gapaillard, Pocket Jeunesse, 432 pp., 17,90 €. A partir de 8 ans. En librairie le 20 avril.