Puisqu’il s’agit en premier lieu de savoir «Pourquoi ça marche», le succès de La prochaine fois que tu mordras la poussière (70 000 exemplaires vendus selon l’institut GFK, deuxième du classement Datalib et premier du marché global) peut s’expliquer par la notoriété de l’auteur (25 ans et un demi-million de followers sur Instagram, connu surtout pour ses chroniques au Petit Journal puis à Quotidien), par la qualité du texte (touchant, bien balancé) et par la contemporanéité du propos.
Qu’est-ce qu’être un homme ? demande à son niveau Panayotis Pascot, en même temps qu’il règle ses comptes avec son père et évoque sa dépression. Car un homme, c’est d’abord ici quelqu’un qui ne se fait pas «enculer», selon l’ensemble des acceptions qu’on donne au mot («Je viens d’une famille où on ne se laisse pas faire»). L’attirance pour les garçons conduit le narrateur à se poser concrètement cette question de l’enculade (être «actif», «passif», accepter ou non de s’ouvrir à l’autre) et appelle un joli et assez inattendu suspense. On ne vous spoile rien.
De quelle couleur est le parquet ?
Le meilleur service à rendre à La prochaine fois que tu mordras la poussière, c’est peut-être d’en oublier l’auteur et de l’apprécier pour ce qu’il est, à savoir un premier livre, et ainsi de le découvrir vierge de jugement. La question à se poser est alors simple, c’est un peu toujours la même : y a-t-il une voix, une langue, quelque chose qui émerge et nous retient ? Pour répondre, ramassons en chemin certaines images, certaines teintes : le «parquet marron merde» du vingt-huit mètres carrés à Daumesnil, le drap «couleur moche» qui sèche, le «caban vert mélancolie» de l’habitué du bar d’à côté. Panayotis Pascot écrit, nul doute, un texte dont on pense par instants qu’il en dit trop, mais dont on espère qu’il remplira sa fonction cathartique. Si, pour Amélie Nothomb, écrire «c’est voler», pour lui c’est «se laver les mains».
Combien mesure l’auteur ?
En quatrième de couverture, la bio le présente «comédien et humoriste», mais on aura compris qu’on rit peu. Dans la mélancolie ambiante, Pascot conserve toutefois un côté stand-upper charmeur qui rééquilibre les forces. «Je mesure 1 m 79. Un jour une fille m’a dit qu’elle pouvait me faire confiance juste parce que je lui ai donné ma taille, elle a dit N’importe quel mec aurait rajouté un centimètre pour faire le mètre quatre-vingts, pas toi. Ce qu’elle ne savait pas c’est qu’en réalité je fais 1 m 78.» Les chutes des chapitres sont, à ce titre, souvent négociées façon mic drop.
Quel mot est écrit pour la première fois ?
On le sait vite, page 18. «Je crois que c’est la première fois que j’écris le mot homosexualité, étrange.» Ainsi le livre avance-t-il au fil de la plume, entre Paris et la campagne, les rencontres et les gouffres. On le lit comme dans le journal d’un garçon d’aujourd’hui et on a le sentiment de mieux le connaître à la fin. «J’aime l’odeur de ma sueur.» «Je suis très curieux.» «Je ne réponds pas, j’aime pas crier d’une pièce à l’autre. Il fait toujours ça, lui.»