Chaque semaine, coup d’œil sur l’actualité poétique. Retrouvez tous les articles de ce rendez-vous ici.
«L’infidélité – boussole des insurgés et des poètes maudits.» On a presque eu envie de tout décortiquer vers à vers, d’en gribouiller un par-ci, un par là, ici comme une légende ou là comme une épigraphe. Les poèmes de ce recueil ressemblent à un assemblage d’éclairs de lucidité au milieu de nuits d’insomnie. A des fulgurances.
La semaine précédente
Après être apparu avec son poème Ma mort dans l’anthologie du concours Poésie en Liberté en 2016 aux éditions Bruno Doucey, le jeune poète haïtien Benoît D’Afrique (il a 28 ans) nous entraîne avec ces Paroles en état de siège dans une errance au bord d’un précipice. Ces bribes sont «les débris d’une vie touchée par un profond malaise», écrit la maison lausannoise La Veilleuse, qui édite ce recueil. Un malaise, une colère ouatée, une violence omniprésente et toujours proche de nous sauter au visage, mais qui ne le fait jamais. A mots couverts, le poète parle ici d’exil, de guerres, de frontières, de douleurs et de sang qui coule. «Cadavres / marre d’en dénombrer sur la traîne du jour / ville soi-disant mienne – capitale de corps muets.»
«Candidat à l’insoumission civile», Benoît D’Afrique a une révolte sous la langue. N’est-ce pas justement le propre de la poésie, une manière sourde de crier sa rage ? «Marre de me faire taxer de poète, écrit-il, j’ai trop de choses à dire.»
Benoît d’Afrique, Paroles en état de siège, éditions la Veilleuse, 71 pp., 16 €.
L’extrait
grève de draps
les morts revendiquent les plis
les passants – légistes des non-identifiés
d’en face ce truc allongé muet comme un doigt d’honneur
sans doute portait un nom
faute de vivres
on mange nos rêves salés
et battements de nos échecs – on ressasse nos migraines
tirées des nuits épuisées
ruines : seules épices pour nos gosiers