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«Passage de l’avenir, 1934», le début d’une série policière sur le Front populaire

Avec ce premier volume, Alexandre Courban traite des conditions de la classe ouvrière qui commence à manifester en masse contre la montée de l’extrême droite
Militants communistes de Arac qui défilent en marge d'une manifestation des Croix de feu, en février 1934 à Paris. (AFP)
publié le 9 février 2024 à 10h40

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Voilà un livre qui mérite d’être salué car le contexte politique est passionnant et, surtout, il constitue le premier volume d’une série policière historique située dans le Paris des années 30, celui du Front populaire. On est en février 1934 à Paris alors que l’extrême droite menace la république. Le corps d’une jeune femme est repêché dans la Seine par le fils d’un marinier à la hauteur du pont National. Une vingtaine d’années. «Elle n’avait point de papiers qui auraient pu permettre de l’identifier mais portait à la main gauche une bague», écrit Alexandre Courban. Les mains d’ailleurs sont très abîmées, ce qui laisse penser qu’il s’agit d’une ouvrière mais, bizarrement, les ongles sont laqués. En l’examinant bien, le commissaire Roger Bornec remarque qu’elle a une plaie profonde derrière la tête. Cette plaie aurait-elle été provoquée par une chute volontaire, en d’autres termes est-ce un suicide ? Un accident ? Un crime ? Le policier a un sale pressentiment. Pour lui, c’est un crime, même si aucun élément ne vient l’étayer. Il fait porter son corps à l’institut médico-légal pour autopsie et décide de lui donner le surnom de Daphné. «Comme les autres victimes sur lesquelles il avait enquêté, il lui donna le nom d’une fleur. Une fleur prête à éclore. Il l’appellerait ainsi en attendant de l’avoir identifiée. Il y avait déjà eu Hyacinthe, Violette, Rose…»

Le lendemain, un jeune journaliste de l’Humanité, Gabriel Funel, qui vient d’être nommé à titre provisoire responsable de la rubrique sociale du journal pour lequel il travaille depuis dix ans, balaie du regard la rubrique faits divers et découvre la noyade de la veille traitée en deux lignes. Il a une prédilection pour les faits divers qui permettent de révéler «la violence sociale qui se déchaînait tous les jours». Il est très admiratif de son rédacteur en chef, Paul Vaillant-Couturier, qui vient de dénoncer dans un éditorial bien senti la presse pourrie qui insulte les ouvriers tombés pour avoir réclamé le droit de vivre décemment et protesté contre la montée du fascisme. Le lendemain, lors d’une manifestation monstre des ouvriers contre les ennemis du prolétariat, Gabriel se retrouve nez à nez avec le commissaire Bornec. Les deux hommes se connaissent bien et s’estiment. Bornec réclame une faveur à Funel : «Passez pour moi une information dans votre organe central. Je cherche à savoir qui est la môme repêchée avant-hier du côté du pont National, vous en avez déjà dit deux lignes, essayez d’en écrire davantage.»

C’est ainsi que le commissaire de police et le journaliste de l’Humanité vont travailler main dans la main, ou presque, pour découvrir l’identité de la victime et les raisons de la tragédie. Une tragédie aux relents politiques et économiques autant que sociaux. L’histoire est formidable, les personnages intéressants, mais le récit manque de souffle romanesque, on peine à se trouver embarquée dans l’intrigue. L’auteur, qui a consacré sa thèse d’histoire à l’Humanité de 1904 à 1939, s’est peut-être trop attaché à restituer scrupuleusement le contexte historique. Ce n’est pas grand-chose, c’est rattrapable dans les volumes suivants, espérons-le.

Passage de l’Avenir, 1934 d’Alexandre Courban. Agullo, 240 pp., 19,90€ (ebook : 11,99€).