Une liste de courses sème le doute. Et voilà une mise en abyme. Dans la maison de l’écrivain défunt Wechsler, où Andrea, la narratrice de l’Heure bleue, se rend après sa mort, la jeune femme trouve un dossier de notes pour un livre en cours. Les initiales des protagonistes sont les mêmes que celles des personnages de Peter Stamm, soit A pour Andrea, W pour Wechsler (Richard), T pour Thomas, ex-compagnon d’Andrea et J pour Judith, l’amour caché de jeunesse et d’une vie de l’écrivain. Cette liste, il n’y a aucune raison objective de la retrouver dans ce classeur, on se rappelle simplement avoir enregistré son existence auparavant : Andrea l’avait griffonnée silencieusement pendant qu’elle parlait à Wechsler au téléphone. Quelle est la réalité d’Andrea, est-elle une créature de papier au carré ? Peter Stamm aime bien amener ses lecteurs sur des terrains d’incertitude. On pourrait dire que c’est sa marque, le plus vertigineux ayant été son roman l’Un, l’autre qui racontait la disparition d’un mari sans histoires.
«Des femmes qui parlent “Klartext”»
L’Heure bleue, treizième livre traduit de l’auteur suisse allemand, par ailleurs nouvelliste, fait néanmoins un pas de côté. Il ne ressemble pas complètement à ses précédents ouvrages où la réalité de ce qui s’y passe est tout le temps assaillie par l’irréel, le rêve, les pensées dérivantes. Ici le roman est souvent ancré dans les choses concrètes, comme cette liste de courses, et son héroïne analyse tout de façon très rationnelle. Dans un livre d’e