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Libération
Récit

Philippe Trétiack, la «Elle» époque

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Du tremblement de terre au Sichuan au long tabou des règles, le grand reporter raconte trente ans passés à la rédaction du magazine féminin.
Philippe Trétiack et deux policières à Kumba, au Cameroun. (Guillaume Herbaut)
publié le 16 mai 2024 à 4h07

Philippe Trétiack entre en 1985 à Elle (les initiés disent «le Elle»), dans le service où la copie est relue, préparée, titrée – l’éditing. Nanti d’un diplôme d’architecte, il vient d’une revue spécialisée dans ce domaine après avoir débuté dans le journalisme à Télérama. Ecrire est ce qui l’intéresse vraiment. Très vite, il devient reporter, et tant qu’à faire, grand reporter. C’est là une deuxième singularité. Non seulement il est un homme dans une rédaction féminine, mais crapahuter au fin fond d’une ancienne république de l’Union soviétique semble lui plaire davantage qu’interviewer une star. Comment ne pas trouver sympathique un type qui a rendez-vous avec Emmanuelle Béart ou Monica Bellucci, et passe à côté d’elles sans les reconnaître ?

Elles et moi rend compte d’une carrière de trente ans dans le magazine doté par sa fondatrice, Hélène Lazareff, d’une devise : «Du sérieux dans la frivolité, de l’ironie dans le grave». A défaut d’une ligne, il s’agit d’un «mantra», d’un état d’esprit, voire d’un style que l’équipe ne pourrait pas définir mais sait adopter. «Kaboul, les petites culottes, le rap, l’écologie, les viols, les tartes salées et les licenciements abusifs, tout ce fatras, c’était nous, le Elle.» Un jour sociétal, un autre follement people, le journal prend des virages de plus en plus abrupts. Le penchant people vaincra. L’injonction originelle perdra ses vertus fédératrices en même temps que les ven