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Libération
Récit

«Pleurer au supermarché» de Michelle Zauner : les saveurs de la mère

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L’autrice née en 1989 retrace sa relation à sa mère coréenne, notamment via les recettes qu’elle lui a transmises.
Michelle Zauner avait vingt-cinq ans lorsque sa mère est morte. (Barbora Mrazkova)
publié le 24 juillet 2024 à 15h46

La mère de l’autrice lui avait enseigné une règle de survie. Elle consiste, «en toutes circonstances», à mettre de côté dix pour cent de l’amour que l’on éprouve pour quelqu’un et à constituer une réserve de dix pour cent de sa propre personne pour ne «jamais s’abandonner complètement à l’autre», afin d’avoir «de quoi retomber sur ses pieds». C’est peut-être ce bon conseil qui a permis à sa fille de savoir aimer et d’être aimée. Pleurer au supermarché compte beaucoup d’autres recettes, non pas du bonheur mais de cuisine, car la mère de Michelle Zauner «témoignait de son amour» à travers la nourriture. Dans bien des couples mère-fille, les difficultés se concentrent sur ce terrain ; la mère de Michelle Zauner était autoritaire, mais nourrir sa fille était l’une de ses nombreuses manières de l’aimer, l’envelopper, la protéger. Morte à 56 ans d’un cancer du pancréas, elle était coréenne. Elle avait rencontré le père de l’autrice, qui lui est américain, en Corée. Le couple s’était ensuite installé aux Etats-Unis.

Michelle Zauner, qui a vingt-cinq ans lorsque sa mère disparaît, se rend régulièrement dans la chaîne américaine de supermarchés asiatiques H Mart pour y retrouver le goût maternel. Tambour battant, sans doute parce qu’elle est héritière de l’énergie de sa mère, l’écrivaine également chanteuse et musicienne énumère les plats qui lui furent transmis : œufs confits à la sauce soja, soupe de radis froide, «rondelles épaisses de p