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«Poème dégénéré» de névé dumas lu par Edna Eden, traductrice

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Chaque semaine une lectrice ou un lecteur chronique un coup de cœur. Aujourd’hui, le livre de résistance d’une autrice canadienne.
(Faye Fossay/Getty Images)
par Edna Eden, traductrice
publié le 22 mars 2025 à 18h24

Quelque part à mi-chemin de l’automne dernier, j’ai intercepté sur Instagram un message de névé dumas qui a découvert, dans le catalogue en ligne de la bibliothèque de l’université de Toronto, une édition (au Seuil) de l’Empire transsexuel de Janice Raymond, le brûlot transphobe de 1979 qui a inauguré la tradition d’accuser les femmes trans de violer les corps féminins par leur simple existence. L’autrice demandait qui voudrait bien lui ramener le pamphlet. Que voulait-elle en faire ? Autodafé, exorcisme ou cut-up façon Burroughs ? Ce dernier me tenterait bien moi-même, mais à ma connaissance, personne ne s’est proposé pour effectuer ce vol d’intérêt public.

On pourrait se poser la question si c’est par essence ou par la force des choses que la poésie trans chante si souvent la résistance. Quoi qu’il en soit, peu de livres confirment cette règle aussi bien que Poème dégénéré. Herboriste, névé dumas tisse patiemment les solidarités symbiotiques et virales avec les mousses, les champignons, le varech, les rivières et les marais. Le peuple résistant communique alors sur le plan moléculaire, sans que cela soit toutefois une raison pour renoncer au langage. Bien au contraire, le sujet poétique n’est pas seulement discursif, mais justement en tant qu’il est un corps trans à la peau poreuse et négociant à chaque pas ses limites, ses alliances et ses extases avec le restant de l’écosystème, il s’emplit et déborde de la langue.

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Il apparaît ainsi que, dans la langue