Menu
Libération
Polar

Avec «le Premier Renne», Olivier Truc retrouve les terres samies

En poursuivant sa série sur «la Police des rennes», l’auteur français continue à accompagner l’histoire d’une culture et d’un peuple opprimés sans négliger l’intrigue policière.
Klemet découvre un troupeau de rennes décimés sur la voie ferrée. (Eva Mårtensson/Getty Images)
publié le 2 septembre 2024 à 7h54

Retrouvez sur cette page toute l’actualité du polar et les livres qui ont tapé dans l’œil de Libé. Et abonnez-vous à la newsletter Libé Polar en cliquant ici.

En 2012, le journaliste Olivier Truc publiait le Dernier Lapon. Il créait à cette occasion une série intitulée la Police des rennes qui continue, douze ans après, à nous faire voyager dans le Grand Nord en compagnie de deux flics, Klemet le Sami et Nina la Norvégienne. Dès ce premier polar, le romancier voulait s’écarter de la couleur locale pour accompagner l’histoire d’une culture et d’un peuple opprimés. Il atteint encore une fois son objectif dans ce nouvel opus, le Premier Renne, et ne dédaigne jamais l’enquête policière parfaitement intégrée à son travail ethnographique et politique.

Nous sommes en juin, en Laponie suédoise. Klemet découvre un troupeau de rennes décimés sur la voie ferrée. Le spectacle est dantesque et n’a rien à voir avec le hasard. Outre le conflit permanent entre les clans, les luttes de pouvoir et les concurrences, la découverte de métaux rares sur les terres samies représente d’autres enjeux mondiaux, entraîne d’autres luttes plus politiques. Que vaut une poignée d’éleveurs face au fameux «bien-être de la planète» ? Olivier Truc réussit sur le fil à déployer une aventure humaine mais aussi à scruter une société méconnue où de jeunes paysans se suicident faute d’espoir et de perspectives. Son travail reste tout en finesse lorsqu’il définit les personnages. Outre Nina et Klemet, apparaît une nouvelle héroïne, Anja, chamane à la fois solaire et charismatique qui n’a peur de rien. «Elle s’allongea près des pierres éparpillées, bras en croix, pieds tournés vers la dernière demeure du loup, à l’ombre du bouleau tordu par les colères du Grand Nord… Elle communiait. Sa religion à elle. Cinq minutes de communication active. Où elle échangeait avec l’âme du loup.»

Refusant les descriptions pour voyageurs en goguette, Olivier Truc nous plonge dans l’étude passionnante d’un territoire compliqué qui lutte pour sa survie. Il n’oublie jamais qu’il est documentariste en refusant l’approximation. Ses personnages apportent une émotion forte et certaines scènes, comme le marquage des faons en plein solstice d’été, sont bouleversants autant que précis. Ce premier renne est une étape importante dans son travail romanesque et dans notre plaisir de lecteur.

Olivier Truc, le Premier Renne, éditions Métailié/Noir, 544 pp., 22 €.