Pourquoi lire ? Parmi les treize écrivains invités à répondre à cette question (dont Annie Ernaux), certains s’y prennent mieux que d’autres. La réussite tient au pas de côté : lorsqu’ils délaissent les arguments théoriques pour évoquer une description romanesque qui les touche, quand ils en mettent en évidence des détails, des affects, des trésors cachés entre les lignes, ces intellectuels donnent envie de découvrir les titres qu’ils citent et élargissent notre horizon.

Dix d’entre eux s’étaient prêtés au jeu en 2019, à la demande de la maison d’édition allemande Suhrkamp. Le philosophe Jürgen Habermas était de ceux-là. Il développe d’abord deux idées qui lui sont chères : la réception des textes et la culture de masse. Puis il bascule et se concentre sur une nouvelle de Max Frisch, L’homme apparaît au Quaternaire. Le héros, un homme d’affaires âgé, «va vers la mort». Il est «confronté aux défaillances de ses forces organique et mentale». Son appréhension du monde change : «Et c’est tout un kaléidoscope de représentations et de souvenirs qui lui passe dès lors par la tête […]. Le voilà confronté sans médiation aucune à la nature, livré sans protection aucune à ses forces.» Et Habermas, 91 ans, de conclure : «Pourquoi lire alors ? Pour saisir en tant que tels, au moins par intermittence, quelq