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Libération
Critique

«Poursuite», enterrement de vie de jeune fille

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Un mariage et des cauchemars, par Joyce Carol Oates.
Joyce Carol Oates. (Dustin Cohen)
publié le 17 avril 2021 à 5h29

Après quoi courent les écrivains ? Qu’est-ce qu’ils fuient, qu’est-ce qui les rattrape ? La liste des livres de Joyce Carol Oates est si longue qu’elle renvoie d’entrée en fin de volume, manière de boucler la boucle ou de se mordre la queue. En face, la page de titre paraît répondre en miroir : Poursuite. Or, que reste-t-il à ajouter ? Romans, essais, nouvelles, poèmes, critiques, pastiches, polars sous pseudonyme, sans oublier un journal qui compte des milliers de pages : tout y est. Comme on se maintient en forme, l’Américaine de 82 ans soutient son effort de joggeuse avec ce thriller court et glauque. Dans son fronton, presque un aveu : n’attendez pas un sommet (Un livre de martyrs américains, traduit chez Philippe Rey en 2019, en était un), plutôt une continuation, sinon un ressassement.

«Gueule d’ange»

Chez Oates, les songes sont souvent récurrents. Ils nous hantent et veulent nous dire quelque chose. Il faut réussir à les interpréter. En l’occurrence, l’image obsédante est la suivante : dans l’herbe verte, deux squelettes reliés l’un à l’autre par des menottes. «Tôt le matin de ses noces. Le rêve la réveille en sursaut, avant l’aube. Le rêve des squelettes qu’elle pensait sérieusement avoir passé l’âge de faire, si saisissant devant son regard fixe.» Abby a 20 ans et s’apprête à épouser un blond à «gueule d’ange», Willem – mais donc, les démons reviennent. De plus en plus perturbée, la pauvre finit percutée par un bus au lendemain de leur union : accident ?