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Essai

«Puissances de l’art ou la Lance de Télèphe» de Bertrand Leclair, une invitation à créer

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Un essai théorique du romancier Bertrand Leclair qui tient son titre d’une expression de Beckett commentant Proust.
Bertrand Leclair. (Cassie Leclair)
publié le 24 mai 2024 à 13h46

Bertrand Leclair est un écrivain qui se méfie de la «camisole des mots», de cette usure de la langue qui nous oblige à parler sans substance. Ses romans sont ainsi souvent consacrés aux précaires et sans-voix, aux non-dits historiques, mais aussi à l’impossible parole du jouir. Très logiquement, ses textes théoriques, sous les auspices de Proust, Bataille ou Hélène Cixous, défendent la critique littéraire contre la marchandisation des esprits et, tels Dans les rouleaux du temps (Flammarion, 2011), ne cessent de demander «ce que ça peut bien nous faire, la littérature, ici et maintenant, à tous et à chacun».

Dans ce nouvel essai, qui tient son titre d’une expression de Beckett commentant Proust (Télèphe est infecté par la lance d’Achille durant la guerre de Troie puis guéri par la rouille de la même lance), Bertrand Leclair appelle à soigner la blessure que provoque en nous la dure «vérité» du monde non pas par le déni ou la fuite (dans le divertissement, l’identitarisme, le fanatisme, etc.) mais par un effort supplémentaire de «véridiction» comme aurait dit Foucault, par un peu plus de vérité, mais oxydée. Nous vivons dans des représentations, nous nous accrochons à elles, nous demandons souvent à l’art et la littérature de s’en porter garant, de les confirmer. Or, le