Il ne manquait que la bande dessinée pour achever de fêter le cent vingtième anniversaire de la naissance de Georges Simenon. Simenon, l’Ostrogoth (Dargaud) parait ces jours-ci, ni une biographie, ni une fiction, mais une tranche de vie en images de l’écrivain. Nous sommes transportés à Liège, Porquerolles, Paris, Fécamp ou Bénouville, dans les années 20, en compagnie d’un jeune couple, l’écrivain Georges Simenon et sa première épouse l’artiste-peintre Tigy. Autour d’eux, il y a du beau monde en devenir, de Foujita à Joséphine Baker, de Damia à Paul Colin. Simenon court le cachet en écrivant des fictions lestes car Maigret n’est pas encore né. Et pour illustrer l’excellent scénario de José-Louis Bocquet, Jean-Luc Fromental et John Simenon, rien moins que Loustal, grand connaisseur de l’écrivain. Une belle équipe pour imaginer ce moment charnière dans une vie trépidante. Un travail inédit et de longue haleine pour le dessinateur qui s’en explique volontiers.
Simenon-Loustal, c’est une histoire qui dure depuis longtemps !
C’est un long cheminement qui commence au moment où je prépare mon diplôme d’architecture sur l’espace des canaux. J’ai alors envie d’intégrer à mon travail des éléments atmosphériques et je me plonge dans les romans de Simenon comme la Maison du canal pour trouver une ambiance. Et en particulier dans ses «romans durs» qui, contrairement aux Maigret, analysent les comportements sans se contenter de l’intrigue policière.
Et puis, il y a ce coup de téléphone de l’actrice Mylène Demongeot…
Son mari, Marc Simenon, fils de Georges, veut réactiver le fond Simenon et me propose alors d’illustrer le roman de mon choix. Je m’arrête sur Touriste de bananes, une histoire pétrie d’exotisme. Il y a Tahiti, l’envers du paradis, la beauté des paysages. Quelques années plus tard, ce sont les éditions Omnibus qui me permettent de continuer à cheminer avec Simenon. Là, j’illustre des nouvelles avec Maigret puis des «romans durs» américains comme les Frères Rico, Un nouveau dans la ville, le passager clandestin… sans oublier les couvertures de l’Intégrale Maigret, en 2019. Illustrer ces livres me convient car j’apprécie son écriture.
Mais pour faire Simenon, l’Ostrogoth, c’est autre chose. Il s’agit d’une bande dessinée, pas d’illustrations et en plus, on parle d’un scénario original inspiré de la vie de l’écrivain…
C’est la première fois que je me trouve confronté à une bande dessinée avec des bulles. On me donne un an pour la faire car elle doit paraitre en 2023 pour l’anniversaire des 120 ans. C’est une pratique de la BD très classique mais une expérience inédite pour moi, comme une nouvelle boite de couleurs. Je suis parti de storyboards très précis, même au niveau des expressions des visages. Mais j’ai pris goût à mettre en scène ce jeune couple sympathique de Tigy et Georges.
Et pour dessiner le visage de Simenon, comment avez-vous procédé ?
Il y avait très peu de photos de cette époque. J’ai analysé les grands traits : son nez busqué, ses petits yeux, la boule de son menton, sa pipe bien sûr. A partir de ces éléments repérables, je me suis lancé sans que personne n’intervienne sur mes dessins.
Cette expérience inédite vous a plu ?
Elle m’a obligé à plonger au cœur du dessin, à me mettre au service de l’histoire. Mais j’ai été confronté à ce côté contraignant de la BD. Je me suis lancé ensuite dans tout autre chose : de grandes toiles, de la peinture. Une liberté totale.
Simenon, l’ostrogoth, dessins de Loustal, scénario de Bocquet, Fromental, Simenon, éditions Dargaud, exposition des dessins de Jacques de Loustal
Simenon, l’ostrogoth, du 11 octobre au 4 novembre 2023, galerie Huberty & Breyne, 19-21 rue Chapon, 75003, Paris