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Roman

«Quatre-vingt-quinze», mémoire vive du sida

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Le cahier Livres de Libédossier
Bouleversant récit d’une année charnière de l’épidémie dans la bande d’amis et amants de Philippe Joanny.
Au Queen, à Paris, en novembre 1995. (Denis Darzacq/Vu)
publié le 10 février 2023 à 11h43

A quoi reconnaît-on un livre important, de ceux qui ont une résonance ? A l’onde que le texte engendre avant même sa sortie en librairie chez celles et ceux qui ont été témoins de l’époque du récit et qui manifestent leur enthousiasme sur les réseaux sociaux ? A notre intuition dictée par la toute première phrase («Ils tombent les uns après les autres et on les laisse tomber») prophétique à elle seule de la puissance politique, mémorielle et littéraire des 190 et quelques pages suivantes ? Quatre-vingt-quinze, le troisième livre de Philippe Joanny et le deuxième chez Grasset, parce qu’il implique, y compris pour son objet, un avant et un après, est un ouvrage de cet acabit : essentiel, capital et, osons, vital.

Assister impuissant à l’hécatombe

Résumons : nous sommes en octobre 1995, «peut-être une des pires» années de l’épidémie du sida selon le journaliste et fondateur d’Act Up-Paris Didier Lestrade. Aucun remède efficace n’existe contre la maladie – ce n’est que trois mois plus tard, en janvier 1996, que les résultats d’essais cliniques associant trois traitements, les fameuses trithérapies, laissent entrevoir une forme d’espoir. Bref, être séropo, c’est donc vivre (et pour certains furieusement dans une sorte de fuite en avant hédoniste plus que compréhensible) avec une épée de Damoclès et, pour les autres, amis,