Rabalaïre d’Alain Guiraudie est un roman en fuite : il échappe à la brièveté (il fait plus de 1 000 pages), aux cases dans lesquelles le ranger (aventure cycliste et sexuelle sous emprise ? Thriller parano en temps d’attentat ?), échappe en fait à toute définition, jusqu’à son titre, mystérieux pour qui ne maîtrise pas l’occitan. Renseignement pris, «rabalaïre» signifie «un mec qui va à droite, à gauche, un homme qui aime bien aller chez les gens». De fait, le héros du roman aime bien aller chez les gens, et ce pour tout un tas de raisons, et surtout parce que justement, il est en fuite. Je n’ai pas lu Ici commence la nuit, le premier livre d’Alain Guiraudie (2014), mais les Inrocks le décrivait comme «un triangle amoureux qui mêle gérontophilie, excréments et occitan».
Il y a de tout ça dans Rabalaïre. On y croise des seniors de 105 ans qui bandent mieux que jamais et ne parlent qu’occitan, des ogres forestiers à la laideur telle qu’elle en devient irrésistible et des veuves esseulées revigorées par la présence du curé d’à côté. Le sexe n’y est jamais mieux que sous «Brigoule», potion miracle et fictive qu’on se refile sous le manteau dans tout l’Aveyron et jusqu’à Clermont-Ferrand. C’est d’ailleurs dans la préfecture du Puy-de-Dôme qu’un bon tiers du livre se déroule, et cette trame-là, qui n’est qu’un bout de l’affaire