L’univers de Violette Leduc (1907-1972) se dessine à travers les titres, à commencer par l’Asphyxie (scènes d’enfance avec mère glaciale) et l’Affamée (passion dévorante non partagée pour Simone de Beauvoir), publiés par Camus dans sa collection chez Gallimard. Ravages, aujourd’hui réédité dans une version augmentée, paraît en 1955 chez le même éditeur, amputé de la première partie. En procédant de la sorte, le comité de lecture crée un membre fantôme qui ne se laissera jamais oublier.
Le texte coupé décrit l’amour de deux adolescentes, Thérèse, double de l’auteure, séduite par Isabelle dans l’internat d’un collège du Nord : Violette Leduc a travaillé trois ans sur ces pages de manière à restituer les sensations, l’initiation sexuelle, l’embrasement, la fusion. En 1954, Simone de Beauvoir s’est occupée de remettre le manuscrit à Raymond Queneau, «qui fait de grands compliments» mais «n’aime pas, en soi, la première partie». L’avis de Jacques Lemarchand est sollicité. Il rédige le rapport de lecture, reproduit par René de Ceccatty dans Violette Leduc. Eloge de la Bâtarde (Stock, 1994) : «C’est un livre dont un bon tiers est d’une obscénité énorme et précise – et qui attirerait les foudres de la justice. […] L’histoire des collégiennes pourrait, à elle seule, constituer un