En seconde, dans un lycée de filles à Saint-Cloud, Yasmina Reza a pour professeure d’histoire-géo une vieille femme proche de la retraite, Mme Kling. Face à elle, les gamines sont sans pitié : «On avait beau porter encore le tablier rose on était une bande de péteuses assoiffées de désobéissance.» Mme Kling «n’avait pas d’autorité. Elle rentrait dans la classe avec son cartable, le cou en avant, la tête branlant à chaque pas. Elle faisait son cours à l’ancienne, craie à la main, délivrant son savoir d’une voix monotone. Elle disait “hein” sans arrêt. Personne ne l’écoutait.» Plus l’année avance, plus la classe se comporte mal. Un jour, Mme Kling «est descendue de l’estrade et nous a dévisagées avec sa tête agitée. “Qu’est-ce qui se passe ? Pourquoi ne voulez-vous pas apprendre ?… Hein ? Qu’est-ce qui se passe ?”» Les filles gloussent, «plus ou moins gênées». L’élève Reza se lève et dit : «Parce que votre cours nous ennuie madame. C’est ennuyeux. Vous ne savez pas nous intéresser.» Mme Kling «est remontée sur l’estrade en flageolant, a ramassé ses affaires et est sortie. /Les filles se sont marrées. Personne ne m’a félicitée ni ne m’a critiquée. Tout était normal. Moi j’étais habitée par l’évidence de mon leadership./ Nous n’avons jamais revu Mme Kling. Ni en classe, ni dans les couloirs de l’établissement.»
«Dans quels méandres de la vie a-t-elle disparu ?»
L’écrivaine a presque tout o