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Essai

«Repartir. Une philosophie de l’obstacle», pour embrasser l’embarras

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Jérôme Lèbre propose dans une description du monde à travers la notion d’obstacle. Un parcours peu emprunté jusqu’ici et non dénué d’embûches, que le philosophe a surmontées avec brio.
«Untitled 1991», Anish Kapoor, Tate Britain. (Nick Turpin/ADAGP)
publié le 31 mai 2023 à 16h25

Un arbre au milieu du chemin. Du calcaire dans un tuyau. Un caillot de sang. Une haie. Un fil barbelé. Une paroi trop escarpée. Une frontière. La chaleur. La neige – et ce vent tourbillonnant qui empêche l’avion d’atterrir. Autant d’obstacles. Mais la liste pourrait être infinie, car presque tout peut être susceptible d’obstruer, contrarier, entraver : la timidité comme la maladresse, une panne, une manifestation de rue, un ordre, un comportement, une situation, un manque d’argent comme un manque de munitions… N’importe quel élément, matériel ou non matériel, physique ou psychique, réel ou fantasmatique, qui s’oppose à une action, une activité, une découverte, un mouvement, une initiative, un projet, un progrès, une ambition, etc., peut être qualifié d’obstacle. Ainsi, si l’on voulait connaître ce qui «fait obstacle» à l’apprentissage scolaire, on prendrait en considération les éléments «ontogénétiques» propres à l’élève (intelligence, attention, volonté, ambition…), les qualités didactiques de l’enseignant, et les difficultés «épistémologiques» inhérentes à la discipline elle-même (mathématique ou littéraire, technologique ou artistique).

«Marcher, voyager ou émigrer, gouverner ou bien réfléchir»

Bien qu’usuel, semblant «aller de soi», le terme d’«obstacle» est pourtant si «global» qu’il n’y a aucune difficulté à en reconnaître l’utilité ou l’omniprésence, comparable à celle de l’eau et de la farine dans l’alimentation. Dès qu’on se lance dans une activité – «marcher, voyager ou émigrer, faire des études, créer une entreprise, go