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Libération
Récit

«Revenir, raconter», une déportée en toutes lettres

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Isabelle Cohen raconte, sous forme d’abécédaire, la vie de sa mère déportée par les nazis pour faits de résistance à Auschwitz, puis Ravensbrück et Raïsko.
Marie-Elisa Nordmann, épouse Cohen, photographiée à Auschwitz-I, le 3 février 1943. Musée d'Etat d'Auschwitz-Birkenau. (Collection Mémoire Vive. Droits réservés.)
publié le 14 juin 2024 à 11h00

Cette biographie, cette lettre à une mère, ce poème, car ce livre relève de ces genres divers, «va de A à Z comme le mot Auschwitz pris à la lettre». Il est «l’ordre et le désordre». Par sa structure, son ton, littéraire mais sans manières, sa façon de laisser des blancs au milieu les phrases (ils marquent l’humour ou l’émotion), par sa tendresse contenue, il ne ressemble pas aux autres écrits sur les camps, contrairement à ce que son titre indique, Revenir, raconter. Il faut le lire pour ces singularités. Il reflète le chaos créé par la déportation chez celle qui l’a vécue, la mère de l’autrice. C’est un texte bouillonnant, animé, comme s’il nous était dit par une personne que nous venions de rencontrer et qui dresserait en urgence le portrait d’une femme complexe, pressée, surmenée, obstinée, une mère.

Isabelle Cohen, l’autrice, est la fille de Marie-Elisa Nordmann, née en 1910, déportée pour faits de résistance à Auschwitz le 24 janvier 1943, dans le même convoi que Charlotte Delbo. Elle fut transférée à Ravensbrück puis à Raïsko, à deux kilomètres de Birkenau, pour travailler au laboratoire d’agronomie de ce camp : «Il y a eu Raïsko sinon je ne respirerais pas», écrit Isabelle Cohen. Rentrée à Paris le 1er mai 1945, sa mère y meurt en 1993. Trente ans après, Cohen raconte la trajectoire de sa mère, une survivante qui a beaucoup témoigné de l’extermination mise en œuvre par les Nazis. La mère de sa mère a aussi été déportée puis est morte gazée