Menu
Libération
Libé des écrivain·es

Revoir Beaubourg, ce grand shaker de nos vies, par Patrick Grainville

Article réservé aux abonnés
Le Libé des écrivain·esdossier
Le centre culturel parisien, qui a fait tant parlé de lui lors de son inauguration en 1977, va fermer pour travaux pendant cinq ans, un temps qui paraît trop long à l’un des premiers amoureux du lieu.
Claude Pompidou, Valéry et Anne-Aymone Giscard d’Estaing à l’inauguration du centre. (Jean-Claude Francolon/GAMMA Rapho)
par Patrick Grainville
publié le 11 avril 2025 à 2h48

A l’occasion du Festival du livre de Paris les 11, 12 et 13 avril, nos journalistes cèdent la place à des autrices et auteurs pour cette 18e édition du Libé des écrivain·es. Retrouvez tous les articles ici.

Je n’irai plus à Beaubourg, les lauriers sont coupés, la Mort que voilà ira les ramasser. On en a pris tous pour cinq ans ! Cinq ans de fermeture du centre Pompidou. Je vais bientôt avoir 78 ans, vous calculez, mon retour à Beaubourg se fera à 83 ans ! Rien n’est donc assuré. Comment ont-ils pu prendre une décision aussi tranchante et noire ? Dans des temps si incertains. Qu’en sera-t-il de nous ? Du trio dominant : le Bon, la Bête et le Truand ? Cinq 5 ans de malheur ? Beaubourg toute une vie. Je me souviens du temps de l’inauguration, en 1977, quelques mois après mon prix Goncourt. On m’avait interviewé sur l’un des escalators, et j’avais entonné un chant lyrique à cet édifice dont les tripes comme on sait, gros colon, intestin grêle, boyaux de python, rectum, avaient été projetées à l’air libre. Je célébrais ce Vitrail d’entrailles, ce grand Verre vibratile, la nouvelle Nef des Fans.

Je fus même invité à un dîner dans l’immeuble d’en face, où on fêtait la raffinerie. Il fallait un jeunot, ce fut moi. Boulez et Xenakis, ennemis jurés, occupaient les places d’honneur. Boulez parlait ; Xenakis se taisait. Madame Pompidou et Madeleine Malraux étaient pas loin de moi.