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Roman

Richard Morgiève, regarder mourir les hommes qui passent

Dans son dernier roman, «la Mission», l’auteur de «la Fête des mères» nous ramène en juin 1944, quand un jeune de l’Assistance publique se fait enrôler par un groupe de résistants.
Un parachutiste américain lors du débarquement en Normandie, le 6 juin 1944. (Keystone. Gamma Rapho)
par Christine Ferniot
publié le 26 décembre 2024 à 9h45

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Le 6 juin 1944, cette date mythique qui marque la libération de la France, est aussi le jour anniversaire de Jacques, 17 ans – «l’âge où on est encore beau comme un ange». Jacques est un enfant de l’Assistance, un garçon de ferme qui a décidé de prendre le large, plonger dans la rivière, sécher sur la pierre chaude puis rejoindre, par hasard ou destinée, un groupe de résistants qui passait par là. «On ne sait jamais ce qui va nous arriver, jamais», écrit un des personnages de Richard Morgiève. «On parle du destin des hommes, c’est une formule creuse, trompeuse… Il y a le destin d’un côté, les hommes de l’autre. Le destin fait ce qu’il veut, pas les hommes… Si on a une mission, c’est celle de vivre… Vivre et mourir, voilà… Voilà, c’est tout.» Jacques va vivre des aventures mais aussi regarder mourir les hommes qui passent et se prennent une balle perdue en plein visage. Il va aussi changer de nom, changer de vie, changer de pays, mais il aura toujours sa mission à remplir comme on charge une besace pour une randonnée. Autour de lui, la grande histoire se construit avec ses justiciers et ses minables.

La Mission est un roman noir, magique et protéiforme, un jour historique, le lendemain polar ou roman d’amour et de filiation. C’est du Morgiève quoi ! De la fiction qui vous secoue le cœur et l’âme, donne envie de pleurer et fait trébucher. On s’arrête devant des phrases comme «J’ai caché mon visage dans mes mains pour échapper à mon sort» puis on se retrouve dans l’Idaho sans même s’étonner du grand écart. Depuis Un petit homme de dos ou les Hommes, Richard Morgiève déroule des histoires poignantes portées par une écriture qui ne ressemble à celle de personne. Un mélange de réalisme urbain et de poésie campagnarde où des rouges-gorges vous chantent dans l’oreille, où des types bizarres jouent les fiers-à-bras. Il faut se laisser porter, accepter «la mission» de Jacques et ses compagnons. Au bout du compte, on sera triste de quitter son héros dans son «cimetière d’étoiles».

La Mission, Richard Morgiève, éditions Joëlle Losfeld, 240pp, 20 €.