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Libération

Romanciers du réel

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L’universitaire Richard S. Boynton consacre un ouvrage au «journalisme littéraire», recueil ­de dix-neuf entretiens avec des auteurs américains reconnus. De l’immersion au plus près d’Ebola au récit de vies anonymes, plongée dans un genre qui mêle enquêtes, reportages et techniques de la fiction.
L'auteur Gay Talese à son domicile à Ocean City, New Jersey. (New York Daily News Archive via Getty Images)
publié le 4 février 2021 à 11h56

Il y a eu des chevaliers qui cherchaient le graal, des naturalistes qui cherchaient les gorilles, des alpinistes qui cherchaient la montagne volante ou le yéti. Aujourd’hui, il y a les maîtres du récit de non-fiction, qui cherchent des histoires ­réellement vécues. L’un d’eux, Richard Preston, a donné son nom à un astéroïde. Son premier livre racontait l’épopée de quelques astronomes. Depuis, il a écrit des best-sellers sur les virus. «Je ne peux décrire quelque chose que si j’en fais moi-même l’expérience», dit-il. Pour Virus (Plon), il demande à un institut de recherche médicale des ­maladies infectieuses de l’armée américaine s’il peut «enfiler une combinaison de protection pour toucher le virus Ebola» lui-même. On lui permet d’entrer dans la zone sensible. Il se présente en combinaison et, en bon élève, avec son stylo et son carnet de notes. Il n’est évidemment pas question de les introduire en zone virale. On lui prête un stylo qui ne le quitte jamais. Il écrit sur une feuille bizarre, qui semble en téflon, et qui, à la sortie, est plongée dans une cuve de décontamination : «Etonnamment, l’écriture n’avait pas bougé.» On dirait Champollion à la sortie d’un tombeau égyptien. A l’intérieur de la zone, Preston rencontre «des singes qui avaient survécu à Ebola», mais on ignore ce qu’ils lui ont dit. Pour un autre texte, afin de connaître le goût et l’odeur de l’ADN, il s’est procuré de l’ADN de veau, réduit en une poudre qu’il a mise sur s