«Mon but en tant que romancier, c’est de nous accoutumer aux ténèbres. Donner une physionomie aux cauchemars qui nous hantent», disait récemment Sabri Louatah sur France Culture. Comme idée de cauchemar, 404, son précédent roman, racontait l’impossibilité de distinguer socialement le faux du vrai. Avec Safari, l’auteur monte en intensité en installant le même trouble directement dans la tête du narrateur. Il n’y a pas cette fois de cause extérieure à laquelle imputer ce qui va se dérouler mais semble-t-il une impossibilité congénitale à différencier le réel de ce qui ne l’est pas. Le narrateur est d’ailleurs affecté d’une vue à la lisière de la cécité, première étape métaphorique d’une aptitude à distordre le monde. On entre dans Safari de plain-pied.
Hyperacousie palliant la quasi-cécité ?
A Chicago où il vit, alors qu’il se promène avec son petit garçon de 3 ans, Elliott, le narrateur cesse soudain d’entendre sa voix et il ne le voit plus. Une tache noire envahit l’espace. Soudain Elliott réapparaît avec Gabriel, l’homme qui l’a retrouvé. Dans les religions monothéistes Gabriel est le messager de Dieu, alors peut-être qu’il n’y a rien à craindre de lui mais en même temps, se met en place un malaise grandissant. Car Gabriel a la voix du père du narrateur qui, lorsque celui-ci était enfant, avait disparu sans laisser de trace. Ce n’est pas la même voix, c’est SA voix. Hyperacousie palliant la quasi-cécité ? Hasard improbable ? Irruption du surnaturel ? On ne saura pas et les pistes propo