Parmi les photographies de «Mille et un passages», la rétrospective consacrée à Sally Mann présentée au Jeu de Paume en 2019, il y avait notamment Emmett and the White Boy, prise en 1990, qui montrait deux jeunes garçons (dont l’un, Emmett, fils de l’artiste) torse nu et appuyés contre le tronc d’un arbre, la rivière en fond. Regards vers l’objectif, contraste de leurs peaux (blanche contre bronzée) et de leurs attitudes (timidité méfiante à droite, morgue à gauche, côté Emmett, chef de bande main sur la hanche), tout y était : enfance sauvage et paysage la reflétant, question raciale suggérée par le titre, sensualité hédoniste, représentation des proches et difficulté pour l’œil extérieur à trouver sa juste place – s’agit-il d’un guet-apens ? Sommes-nous les intrus du jardin ?
Sally Mann, née à Lexington, en Virginie, en 1951, a beaucoup photographié le sud des Etats-Unis (décor «hanté par la mort, la douleur, la cruauté – hanté, point à la ligne») et ses trois enfants, Emmett, Jessie et Virginia, lorsqu’ils étaient petits, le plus souvent nus, dans l’immense propriété familiale. Ces images, rassemblées dans le livre Immediate Family en 1992, lui valurent une notoriété internationale et entraînèrent un torrent de polémiques.
Aujourd’hui que la série s’appréhende davantage comme l’un des affluents d’une œuvre fleuve travaillée par la nature et les re