L’extraordinaire correspondance entre Sam Shepard et son ami Johnny Dark s’appelait Two Prospectors dans l’original, mais c’est le lecteur qui se sent orpailleur. Non seulement les lettres documentent l’agitation foncière de l’auteur-dramaturge plombé par son image (le «Gary Cooper des lettres américaines»), mais les circonstances de leur publication constituent une histoire en elle-même, heureusement documentée en 2012 par l’Autrichienne Treva Wurmfeld dans son film Shepard and Dark, qui explique la donation de cette correspondance à une institution du Texas. On le voit négocier lui-même un bon prix pour les lettres et les photos (beaucoup de photos, prises par Dark, dont certaines sont incluses dans le livre) : la Wittliff Collection à San Marcos leur lâche 250 000 dollars chacun, somme dont Dark a grand besoin pour survivre. Après une tentative de collaboration pour l’éditer, l’écrivain soupe au lait finit par se désintéresser du projet, comme il l’explique dans une cinglante dernière lettre, même s’il conclut par : «A toi de jouer, Johnny, et bonne chance !»
Les deux amis ne sauraient être plus différents. Johnny Dark (ce nom, déjà) est sédentaire endurci, branleur patenté, chapardeur de supermarché, masseur ou préposé à la fourrière. Son manque d’ambition confine à la sainteté, et il n’aime rien tant que sa baignoire. Il doit de plus s’occuper de sa femme adorée, Scarlett, très diminuée depuis une rupture d’anévrisme à la fin des années 70.
L’autre au