On n’écrit certes pas des romans comme on fait des pompes, mais notons – puisque ce n’est peut-être pas un hasard considérant l’économie de l’auteur – que les Deux Dormeurs s’achève à la page 91, soit une page de plus que Mon Temps libre (Verdier, 2019) qui plaçait son point final page 90. Ainsi Samy Langeraert, Parisien de naissance, habitant de Berlin, deux titres derrière lui en comptant celui-ci, avance-t-il comme cela : à petits pas, une page après l’autre, sans bomber le torse ni jouer des coudes mais sur une ligne semble-t-il clairement tracée, en donnant l’impression de très bien savoir où il va, ce qu’il veut, quel est son territoire, son fond, sa forme. De Langeraert, on peut déjà dire qu’il est un écrivain «de». Un écrivain de l’observation, de la lenteur, de l’oisiveté ; un écrivain du retrait, du détachement et pourtant aussi un écrivain de l’étonnement, de la fascination – pour les choses et pour les gens. Son premier roman avait un traducteur pour narrateur, lui-même installé à Berlin après une rupture. Il regardait la neige tomber, les façades des immeubles, les passants – dont ces deux amis occupés à «dîner ensemble au Schleusenkrug, boire une pinte de blonde, puis une deuxième, débattre d’un sujet puis d’un autre, gesticuler, mâcher et avaler, éclater de rire, gonfler les joues, secouer la tête, faire de gros yeux…»
Le narrateur de