Une simplette aux dents de veau, une ogresse aux rides noires de suie, au front orné d’un bouton purulent : des trognes et de beaux caractères apparaissent dans le spacieux roman d’Hallgrimur Helgason, écrivain islandais, qui est aussi peintre, né en 1959. Mais s’il fallait présenter un seul personnage secondaire, nous retiendrions la vieille Grandvör, qui ne dit pas un mot depuis qu’elle a été recueillie par sa fille et son gendre, menuisier poète et païen. Sa propre ferme a été précipitée dans la mer par une avalanche. Elle n’était pas chez elle «quand la montagne avait accouché dans un bruit de neige assourdissant».
Grandvör, «pas plus haute debout qu’assise», tricote, comme tout le monde pendant des mois, hommes et femmes, après la saison de l’abattage. Un soir, «événement d’une grande rareté», la vieille dame pose son tricot pour dire à Gestur, 12 ans : «Il me semble que te voilà tout francisé.» Gestur, le héros de l’histoire, bien que nous ne bénéficiions pas constamment de sa compagnie (Gestur en islandais veut dire «l’invité»), ayant fugué, est de retour après avoir embarqué sur un bateau français. Gestur en est à son troisième foyer. Il en a connu un très doux, dont il a été chassé pour atterrir chez le menuisier où la vie est plus rude. On imagine bien que la complicité de Grandvör, qui lui offre un recueil de poésie paillarde, «le bijou ultim