Le temps, certes, n’est pas à rire. Mais rire n’est pas sourire. Le premier se retient quand la destruction et la mort glacent le cœur, le second s’illumine encore quand dans la nuit de l’horreur s’entraperçoivent les lueurs d’un secours, d’un accueil, d’un geste de bienveillance, d’un mouvement de solidarité. Le rire «explose», et peut même par sa force désarmer la violence et l’outrecuidance, le sourire, timide, s’esquisse seulement – mais est capable d’armer la connivence, l’entente et la concorde. Rire et sourire ne sont pas que des langages corporels, mais déjà, là, ils diffèrent. Le rire (ridere) secoue le corps tout entier, qui dès lors se débride, exulte, se tord, se désarticule, pleure, bave, glousse, devient fou, alors que le sourire, qui en est une forme dissimulée (lovée «en dessous» : subridere) ou sublimée, ne l’impacte qu’en ajoutant une petite lumière dans les yeux, «reste dans une civilité, sous contrôle», et est plutôt un «mouvement léger de la pensée, plus élevé, plus élégant». Ainsi «le rire est dionysiaque, le sourire apollinien». L’un est aussi bavard et bruyant que l’autre est silencieux. D’ailleurs «on parle d’“éclats” de rire, jamais d’“éclats“ de sourire», même si, «dans le regard des autres, le sourire a un éclat». Ce qu’ils ont en commun, c’est qu’ils sont plurivoques, et ne révèlent leur sens que dans un contexte relationnel spécifique. Aussi peut-on de bon cœur rire d’un mot d’enfant, rire dans sa
Cheese!
«Sourire»: David Le Breton à lèvres ouvertes
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«Clown Shop 19»; (2014) de Steven Quinn. (Steven Quinn )
par Robert Maggiori
publié le 21 avril 2022 à 8h57
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