Philosophie des expériences radicales est consacré aux heures exceptionnelles de nos vies, ces rares moments intenses qui se détachent du quotidien, exaltation de la fête, extase mystique, effusion érotique. Professeur de philosophie à l’université Jean-Moulin-Lyon-III, spécialiste de la pensée pragmatiste américaine, contributeur de l’édition critique des œuvres de Bergson, Stéphane Madelrieux analyse une certaine manière de concevoir ces expériences «radicales» chez six penseurs français. Entretien.
Qu’est-ce qu’une expérience exceptionnelle ?
C’est une expérience qui sort de l’ordinaire. Ce qui m’a intéressé, c’est la manière dont ces expériences exceptionnelles ont parfois été pensées comme des expériences radicales. L’exemple culturellement répandu, c’est celui de l’amour passion. On a tous cette idée que le véritable amour se réalise dans l’amour passion, une sorte d’aventure qui doit mettre en péril les amants, dans laquelle ils se confrontent sans cesse à quelque chose qui ne peut que mal finir. Et c’est uniquement en se terminant mal que, justement, cet amour trouverait son sommet, sa réalisation absolue. Au regard de cet amour passion – Tristan et Iseult, Roméo et Juliette – nos amours ordinaires, «installés», faits d’habitudes communes, ont l’air d’être des amours aliénés ou aliénants.
Ne faut-il donc pas vivre d’expériences exceptionnelles ?
Je ne veux pas les nier. Ma ligne, c’est qu’il faut les deux. On n’a pas d’expériences ordinaires si elles