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«Sud sauvage» de Gaëlle Bélem : le diable s’habille en maloya

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Des nouvelles fantastiques dans une île de la Réunion en prise avec des puissances maléfiques et hantée par l’histoire de l’esclavage.

Gaëlle Bélem en juin 2023. (Mickael Gresset/Libération)
Publié le 06/06/2025 à 14h11

Sur l’île de la Réunion, le mot «bébête» n’évoque pas quelque chose de gentillet, une coccinelle qui monte et qui descend. Mais quelque chose de bien plus inquiétant : le diable ou une puissance maléfique apparentée. Avec les treize nouvelles de son troisième livre, Sud Sauvage, Gaëlle Bélem, née dans l’ancienne île Bourbon, fait apparaître un monde insulaire parcouru de forces obscures et de superstitions. Et la nature qu’elle décrit, avec ses ravins, ses forêts serrées, ses hauts perdus, ses bataillons d’oiseaux noirs, contribue à dresser un autre portrait de ce département, loin des clichés touristiques. C’est une île ancestrale qu’elle invoque, où pendant un cyclone, un battement incessant – «on eût dit un maloya primitif, sans répit, fait de tambour et de fureur» – fait apparaître des milliers d’esclaves fantômes. Puis au matin, sur la plage, «un rivage recouvert d’ossements, une immense marée de squelettes blancs […]. Une multitude de cadavres d’adultes et d’enfants vomis par la mer.»

«Où sont-ils» est le titre de cette nouvelle, la plus entêtante du recueil. Comment mieux évoquer le passé esclavagiste de ce coin de l’océan Indien, le «temps margoze», comme on dit en créole à l’île Maurice voisine, en référence à un légume amer. Les Africains arrachés au continent ont certainement conservé une part de leurs croyances, et ces nouvelles ont l’étrange fraîcheur d’objets littéraires accrochés à une histoire orale transmise par les générations anciennes,