Des yeux grands ouverts sur le monde. Et ce monde est l’océan, point de départ et de retour permanent. Il est au cœur de ce récit, un univers à lui seul dans la vie et les écrits de Syaman Rapongan, un auteur de l’ethnie Tao, de langue austronésienne qui vit à Lanyu, l’île des Orchidées, au sud-est de la grande île de Taiwan. Pêcheur, plongeur, écrivain, poète, militant, Syaman Rapongan signe un récit itinérant entre l’autobiographie, le conte initiatique, le manifeste pour la défense de la nature et des cultures aborigènes, le culte des ancêtres, l’ode à la marginalité. Mata nu Wawa fait œuvre de résistance face aux souffrances du racisme, de la colonisation, de la domination des Han, l’ethnie majoritaire ; et face au monde urbain. Surtout, il sonde les tiraillements d’un jeune aborigène partagé entre la défense d’une identité menacée et l’attirance pour l’extérieur «porteur d’avenir». Autour d’une tasse de thé et entre deux cigarettes chez son éditeur à Paris, L’Asiathèque, Syaman Rapongan s’est livré en «écrivain de l’océan».
Vous défendez la culture Tao, votre immersion sur l’île de Lanyu. Mais n’est-ce pas difficile d’écrire dans une autre langue, celle des «colons» ?
Il y a eu effectivement des tiraillements dans mon cœur. Mais toutes les minorités du monde font souvent face à ce dilemme. Nous sommes un peuple qui ne possède pas d’alphabet. Il n’y a pas d’écriture dans la culture tao. Nous sommes donc obligés d’emprunter une autre langue, en l