«Après avoir beaucoup voyagé dans ma vie, je suis devenu sédentaire. Je n’ai pas la moindre envie de quitter Lisbonne.» Cependant le narrateur se déplace par la pensée, et ce qui lui passe par la tête laisse entrevoir une sédentarité contrainte, une immobilité due à une lourdeur. Il songe aux autres lieux importants de sa vie, aux écrivains qu’il a lus, aux paysages qui l’ont apaisé, souvent urbains. C’est un angoissé. Pendant que son esprit vagabonde, l’homme prend ses marques, jour après jour, dans le nouvel appartement que sa femme et lui, résidents new-yorkais, ont acheté à Lisbonne afin d’y vivre. Adieu Manhattan. Tes pas dans l’escalier est un roman de l’attente : le narrateur attend Cecilia, sa femme. Encore à New York, on ne la voit que de loin. Elle semble aussi active physiquement que son époux est fixe ; lui est aussi figé physiquement que mobile psychiquement. Le texte est un mélange d’explorations, et de repli sur soi ; un repli sur soi aérien. Cecilia est partout dans le monologue intérieur de cet homme. Il l’admire. Est-ce réciproque ? Comme pour rassurer le lecteur et se calmer lui-même, le narrateur raconte les jours anciens, en alternance avec la description de son appartement, un lieu qui se remplit et s’aménage sans que son nouveau propriétaire ne fasse grand-chose, et grâce à l’intervention de personnes extérieures : un homme à tout faire, une femme de ménage. Croire que l’on habite chez quelqu’un d’autre alors que l’on est chez soi est une
Roman
«Tes pas dans l’escalier» d’Antonio Muñoz Molina, Tage de raison
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Le cahier Livres de Libédossier
Lisbonne à la tombée de la nuit, 2019. (Chanachai Panichpattanakij/Getty Images)
publié le 7 octobre 2023 à 20h00
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