Ligne de départ : une discussion. Celle entre une mère blanche et Darrin, son fils métis, au début des années 80, en Californie. Des questions simples pour des réponses trop complexes… Au cœur de cette discussion, un pistolet à eau en plastique vert. Et ce jouet censé dire l’innocence de l’enfance n’est, au goût du gamin, pas assez réaliste. Pourquoi le gun ne ressemble-t-il pas à ceux que l’on voit dans les films ? Réponse : parce que ce n’est pas un enfant blanc qui tirera les filets d’eau. Et ces filets, des torrents en réalité, disent les affres d’une société, les maux d’une Amérique au sein de laquelle Darrin, jeune garçon, va devenir un homme. Un homme «de couleur». Et c’est une fatalité qui ne saurait le protéger. Car la couleur de peau de Darrin est un écueil qui perturbe le courant de normes injustes mais établies.
On découvre ainsi Darrin, l’œil vif et grand ouvert, à l’aube de l’adolescence, grandissant le long d’un fil tracé par des points d’interrogation. Puis, au fil des pages de The Talk, on le suit, on l’écoute, on l’observe, lutter avec une incrédulité qui fait bientôt place aux gifles de la violence du racisme, des préjugés sociaux, du terrorisme, de la police… Les maux, sempiternels, de la société américaine qui empoisonnent la vie ordinaire. Ce gamin flanqué de questionnements, et qui s’en va composer avec son altérité, c’est le dessinateur de presse et auteur de BD afro-américain Darrin Bell, 48 ans, Prix Pulitzer du dessin de presse en 2019